dimanche 29 avril 2012

Voter sans être pris pour un âne 2 : l'Europe qui protège

Le premier tour a montré que le sentiment eurosceptique domine dans l'électorat français. Tant et si bien que les candidats défenseurs du Traité de Lisbonne, adopté de force après le référendum de 2005, s'adressent à la "Frande du NON" et développent un argumentaire "pour une Europe qui protège".
Quelle est "l'Europe qui protège" que veut M. Sarkozy ? Quelle est la rupture qu'apporte M. Hollande sur ce point et qui semble trouver un écho favorable en Europe ? Un article de Jean Quatremer, champion de la défense de l'austérité pour les Grecs - nous nous en rappelons - fera ici très bien l'affaire.

Revenons donc sur les textes qui font débat, à savoir le Traité sur la stabilité, la convergence et la gouvernance dans l'Union à partir d'un billet précédent du blog.
Le Mécanisme Européen de Stabilité ou MES est un fonds monétaire européen, ratifié en février par nos 2 assemblées. Le MES s'inscrit dans le cadre plus large du TSCG, traité signé par le chef de l'Etat lors du sommet européen du 2 mars, pour une ratification parlementaire après les élections.

Le TSCG indique, Article 3, que la règle des 3% de déficit budgétaire passe à 0.5% de déficit structurel; notion plus floue.
Article 4 : Une dette dépassant les 60% du PIB doit être combattue par une réduction de 5% par an. Pour donner un ordre d'idée, sur le budget 2011, 80 milliards d'économie seraient demandées pour rembourser le capital de 5%, en plus des intérêts de la dette accumulée (50 milliards cette année). Impossible.
Mais ces règles devront être "opérantes dans la législation nationale par des dispositions de caractère contraignant et de nature permanente, de préférence au niveau de la Constitution." Article 3. Tant qu'à faire.
Le MES indique que la Commission Européenne, avisée des conseils de la BCE et du FMI, décide du déblocage des prêts aux pays en difficulté, tout en définissant la "conditionnalité", c'est-à-dire les mesures concrètes exigées en échange du prêt pour la remise en ordre des budgets nationaux. Le texte parle de programme d'ajustement macroéconomique. "Ajustement"... mauvais souvenirs.

Bref, là où la crise actuelle devrait nous amener à revoir les moyens de financement des dettes publiques européennes, N. Sarkozy affirme nous protéger en durcissant les règles budgétaires et en abandonnant une partie de notre souveraineté au profit d'une institution non démocratiquement élue, ultra-libérale depuis sa mise en place.
La rhétorique sarkozyste pour défendre cette position durant la campagne est simple et néolibérale pur jus. Pour ne pas être l'otage des marchés, obligation est faite de rembourser nos dettes et de rassurer nos créanciers. Surtout, il est important de faire passer le message que nous ne pouvons pas sortir du cadre : indépendance de la BCE, emprunt sur les marchés rationnels, ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Cette rhétorique simple voire simpliste se fracasse sur les faits. Exemple par l'Espagne.

La dette espagnole devrait augmenter d'une dizaine de points en cette année 2012 pour atteindre 80% du PIB. Valérie Pécresse n'a pas de gêne à estimer que "les marchés se trompent", car les mesures prises par l'Espagne vont faire en sorte de rétablir les finances publiques estime-t-elle. C'était à l'époque un déni de réalité complet. Mariano Rajoy venait d'annoncer des "mesures courageuses": une coupe de 50 milliards dans l'éducation et la santé, et ces mesures d'austérité draconiennes faisaient justement craindre aux marchés une plus grande récession encore de l'économie du pays. Pécresse avait simplement tout faux ou cherchait à déformer la réalité. 
Le premier enseignement est le suivant : les coupes budgétaires ou la fin de "la vie au-dessus de ses moyens" ne font pas descendre les taux. Le TSCG instaurant l'austérité ne sera pas suivi d'une diminution de la charge de la dette et ne nous protège pas.

Mais quelle était la réalité pour le pays de sa "vie au-dessus de ses moyens" ? La dette espagnole était plus faible que la dette française, bien plus faible. Seulement de 35.8% en 2008 avant l'explosion de la bulle immobilière. L'Etat-Providence espagnole aurait coûté 45 points de PIB en 4 ans ? La bulle a exposé et expose les banques espagnoles à des risques très importants et l'Etat espagnol, garant de ses banques, doit les soutenir mais éprouve les plus grandes difficultés à se financer. Il ne s'agit pas d'une crise de modèle social, comme il est souvent entendu, mais d'une crise bancaire. Un article du spécialiste de ces questions, François Leclerc, sur la crise bancaire.

Bref, la position de Nicolas Sarkozy est intenable et plusieurs dirigeants européens s'en éloignent aujourd'hui. Il est par contre hallucinant de voir comme la protection par/de l'Europe est devenue un argument de campagne, quelques mois après que le couple Sarkozy-Merkel ait coulé la Grèce. Triste solidarité européenne.
Pour rappel, le prêt à la Grèce a été accordé sous réserve de mesures d'austérité supplémentaires : baisse du salaire minimal de 22%, privatisations en cascades et fermetures de service public. Conditionnalité disions-nous.


Mais alors qu'apporte F. Hollande sur ce sujet ? 
Tout d'abord, rappelons que les sénateurs PS se sont abstenus lors de la ratification du MES. Grand début de lutte...
Par contre, le candidat socialiste a lui perçu que l'austérité n'amenait que la récession et donc demande à ce que le Traité prenne en compte la croissance.
Beaucoup de responsables européens se rallient derrière cette position. Mais deux visions de la croissance s'opposent. La première keynésienne, celle de Hollande, veut que l'Etat continue d'investir pour soutenir l'économie et non pas l'asphyxier. Pour cela, de nouveaux moyens de financement doivent être rendus possibles. La deuxième est libérale et dérégulatrice : la croissance est obligatoire mais ne sera rendue possible que par l'aide aux entreprises en rendant plus souple le marché de l'emploi (faciliter embauches et licenciements, baisse de charges, fin du CDI...).

Sur le fond de l'affaire, soyons clair, la position de F. Hollande de renégocier n'est pas satisfaisante. Vu son contenu, il n'y a rien à renégocier : la perte de souveraineté pour des organes non élues n'est pas concevable. De plus, le risque est grand de voir se répéter le précédent de Jospin en 1997. C'est ici que nous vous renvoyons vers le meilleur article de cette campagne, celui de Serge Halimi :
Bonne lecture

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