vendredi 30 mars 2012

Nouvelles maliennes 2

Pour la deuxième fois, nous laissons la parole : Chronique d'un habitant de Bamako 2
Partie 1
Comme prévu, les présidents qui devaient venir restaurer l'ex-président n'ont pas pu atterrir à Bamako à cause de l'occupation de l'aéroport par les manifestants pro putsch. Ensuite, ces manifestants se sont dirigés vers la Bourse du travail pour un affrontement avec les anti-putsch. Beaucoup de blessures et d’arrestations dans les rangs des anti.
Le mal redouté est donc finalement arrivé, car un affrontement entre ces deux camps peut laisser la place à un autre putsch ou à une éternisation des putschistes au pouvoir.
Il faut savoir que les 5 présidents qui devaient venir, n'avaient pour but que d'installer l'ex-président à coup de menaces d'une intervention militaire de leur pays respectif pour imposer ce retour. L'ex-président a profité de leur arrivée pour réapparaître dans les médias et à dire qu'il n'a jamais été arrêté. Tout le monde s'attendait à son apparition publique aujourd'hui avec l'arrivée de ses anciens homologues.

Je crois que cette grande partie du peuple conduite par les pro-putsch a profité des manifestations du jour pour donner un message à l'ex-président et aux autres présidents: leur faire entendre la voix du peuple après celle des putschistes. Ces 5 présidents contestés dans leur propres pays, vont revoir leur copie en incluant des rencontres avec le peuple à leur arrivée ici, pour une autre mission. Mais au lieu de comprendre ce message du peuple, ce soir, ils viennent de lancer un ultimatum: dans 72 heures, le Mali sera sous embargo si les putschistes ne rendent pas le pouvoir.
Une grande partie du peuple préfère affronter cet embargo plutôt que de laisser encore le Mali, dans les mains de l'ex-président ou de ces partis politiques qui ont pillé le Mali.

Pour la petite histoire, sachez qu'ici parmi les partis qui sont contre le putsch et qui veulent reprendre les  affaire en main, les candidats aux élections présidentielles  ont annoncé 4 à 8 milliards de francs CFA pour leur budget de campagne; plus de 40 véhicules 4x4 appartenant à l'état ont été découverts cachés dans les champs d'un des candidats! D'où viennent ces sommes? Comment peut-on vouloir dépenser toute cette fortune dans un pays menacé par la famine à cause d'une saison de pluies désastreuse ? Le peuple malien peut-il accepter que des gens pareils puissent diriger une transition ? En gros, les maliens rêvent de changement et sont prêts à endurer des souffrances pour que ce changement puisse se faire... 

Partie 2
Journée calme ce vendredi. A partir de lundi, toutes les frontières du Mali seront fermées selon les mesures des présidents de l'Afrique de l'ouest.
La ville est calme, la junte reprend la main, aucune manifestation n'est permise. Le chef de la junte a appelé le monde au secours du Mali, car une seconde grande ville du nord vient de tomber aux mains de la rébellion grâce à une alliance avec ACMI, qui ne se cache plus pour aider la rébellion. Les putschistes ont aussi présentés leurs excuses et les excuses du peuple malien à la CEDEAO pour avoir empêché les présidents de venir hier. Un peu de panique à Bamako où les gens font leur provisions car  si jamais lundi, les frontières sont fermées, tous les prix vont monter.
Les banques permettent aux gens de faire leur opérations avant lundi, car la banque centrale des états de l'Afrique de l'ouest va couper les vivres dès lundi, paralysant toutes les banques.
Il fait très climatiquement et très socialement chaud, mais tant qu'il ya la vie, il ya l'espoir!

mercredi 28 mars 2012

Nouvelles du Mali

S'informer sur la situation malienne n'est pas facile, oubliée entre campagne présidentielle, affaires et autres conflits internationaux.
Voici le courrier d'un ami malien décrivant la situation. 

"Mes chers amis, chers amis du Mali, je vous sais tous soucieux de ce qui se passe au Mali. Je tiens à vous dire qu’en ce moment l'espoir a laissé la place au doute et à l'angoisse.

Je vous envoie ce message au moment où tout à l'heure, le président renversé vient d'appeler les médias français pour leur dire qu'il est au Mali, qu'il va bien, qu'il est libre et qu'il n'a jamais été arrêté par les putschistes. Cet appel téléphonique n'est pas fortuit, car demain, 5 présidents de l'Afrique de l'ouest viennent au Mali demander aux putschistes de laisser la place à ATT (le président Touré) ou au président de l'assemblée nationale, afin d'un retour rapide à l'ordre constitutionnel.

Au niveau social la tension est très vive, pas de salaires, pas d'opérations bancaires car la banque centrale des états de l'Afrique de l’ouest veut utiliser son arme consistant à couper les vivres afin d’asphyxier les putschistes. Entre les putschistes et le peuple, qui souffrira le plus?????
Aujourd'hui des divisions inquiétantes ont commencé à se faire voir au sein du peuple entre pro et anti-putsch. Les pro-putch ont fait leur démonstration dans les rues de Bamako en mobilisant beaucoup, beaucoup de gens. Les anti veulent aller demain à l'aéroport pour applaudir les 5 présidents et les  pro se sont aussi donnés rendez-vous là bas. Le peuple va se casser la gueule à la face du monde à l'aéroport demain, car les pro jurent d’empêcher les présidents d’atterrir.

Les putschistes veulent accueillir les présidents tandis que leurs sympathisants sont contre. Que vont faire ces putschistes demain ????
Si vous voulez savoir mon avis personnel, je vous le dis.
Les pro-putsch sont dirigés par des gens qui ont hâte d’accéder au pouvoir pour avoir leur part du gâteau, eux pensent que c’est leur heure qui a sonné. Les anti-putsch sont dirigés par des gens qui ont tous les mains sales, car comptables de la situation actuelle. Ils ont tous dirigé le pays et ont tous des affaires de détournement de fond à leur nom donc, eux savent qu’en quittant le pouvoir ils courrent le risque d’être poursuivis par la justice. Avec leur richesse, c’est l’un d'eux qui gagnera encore aux présidentielles pour couvrir encore ces affaires de détournements.
 
Je n'ai pas lu de motion de soutien à la télé en faveur des putschistes comme c'est la mode actuellement, je ne participerai à aucune manif même si je tire les pots cassés du putsch car je n'ai pas accès à mon salaire, ni à mon compte bancaire comme tout le monde, mais je tiens à vous faire savoir que ce putsch est le reflet d'un sentiment généralisé au Mali. Il reflète l'état d'âme du maximum des maliens excédés par l'humiliation que des rebelles faisaient subir à une armée nationale qui abandonnait de jour en jour des parties du Mali.
Des pères, des frères de l'armée mourraient ou étaient égorgés tous les jours, leurs familles ne sont pas informées, on cachait tout. Les femmes de militaires ont manifesté à Bamako, elles ont été reçues par le président. Les femmes ont toutes dit au président leur désaccord avec lui, tout le peuple malien a soutenu ces femmes, le président avait reconnu toutes ces fautes: le manque de communication, le manque d'armement adéquat, le manque de nourriture. Il avait promis de tout remettre en ordre. C'est après tout cela que l'armée a commencé à replier, à abandonner des parties du territoire .Aujourd'hui plusieurs groupes d'auto-défense de jeunes défendent leur village à cause de l'abandon de l'armée.  En gros tout le peuple en voulait à ce président qui était coupé de son peuple. Tous les jours des gens manifestaient dans les rues, il ne disait rien le président. Je ne vous parle de la corruption flagrante: pour accéder à l’armée, paye au moins 500 000, à la douane pour accéder tu payes 7 000 000, pour accéder à la fonction publique paye autant. Dans les quartiers, que font les maires des espaces publics ? Aucune autorité ne soutient le mouvement citoyen des jeunes qui dénoncent cette situation

Savez-vous que depuis plus de 2 mois, aucun membre de la famille du président ne vit au Mali ? Ils sont au Maroc, n'était-il pas au courant de ce qu'ils risquaient après tout?
Tout le peuple malien est au courant que, en fait, au départ c'était une simple mutinerie. Ces jeunes putschistes n'étaient pas préparés pour un putsch, mais la situation était telle qu'en sentant la mutinerie, le président a fui son palais et les putschistes ont finalement transformé la mutinerie en putsch car ils  n'ont eu aucune résistance: tout le monde s'est mis à l'abri.
On dit que les élections étaient dans 5 semaines alors que la loi électorale dit que les élections présidentielles doivent se tenir sur l'ensemble du territoire en toute liberté. Etait-il possible de faire des élections alors que plus de 500 000 maliens sont réfugiés dans les pays limitrophes ? Alors que plus de 50 pour 100 du territoire est dans les mains de ACMI et des rebelles ? Avant le putsch, les rumeurs de ce report des élections circulaient déjà.

A mon vis ce putsch a servi à arrêter l'hémorragie et à redorer le blason, l'honneur et la dignité du peuple malien et de l'armée malienne. Nous tous, fiers  au Mali d’être des descendants des rois maliens qui ont défendu le Mali contre tout et qui ont toujours dit plutôt la mort que la honte face à l’ennemi, nous avons leur sang qui coule dans nos veines, c'est ce que ces jeunes militaires ont restauré.
Comme moi beaucoup de maliens vont vouloir que ces jeunes acceptent de retourner dans leur camp pour gérer les menaces d'ACMI et la rébellion et laisser la place au président de l'assemblée nationale. Leur action a permis de faire prendre conscience aux pays qui, avec hypocrisie, laissaient les rebelles aller se ravitailler ou se réfugier chez eux, que maintenant ils savent que ACMI et les rebelles peuvent menacer leur pouvoir. Chaque pays va aider le Mali et être plus sincère et conscient de la situation.
Je suis donc conscient qu’il faut un retour à un ordre constitutionnel pour que tous les partenaires  reviennent avec tout leur financement, afin d’aider le Mali à s’en sortir car tout les financements à l’état et aux organisations sont arrêtés de nos jours. Le peuple ne pourra pas tenir le coup, les putschistes comprendront ces enjeux et regagneront leur camp, c’est mon plus grand souhait.


En empruntant l’expression d'un ami, je dirai aussi que demain jeudi sera un jour décisif dans l’histoire du Mali.
On est en mois de mars, nous traversons notre période de canicule, aujourd’hui le vent est chaud, le temps couvert d’un nuage de poussière rouge depuis ce matin, je suis loin d’être superstitieux mais c’est un temps qui n’arrange pas un moral déjà si bas !
Priez pour le Mali !
Croisez vos doigts pour le Mali !"

mercredi 21 mars 2012

N'avoir honte de rien

Cette campagne présidentielle semble irréelle.
Elle marque un regain d'intérêt des Français sur les questions économiques et les candidats prétendent pouvoir y répondre sans considération pour leur action passée, leurs anciens engagements, leur marque idéologique...
Irréelle, oui, chaque candidat semble pouvoir dire tout et n'importe quoi, mentir sur les chiffres, stigmatiser certains groupes sociaux, affirmer l'inverse de ce qu'il a dit ou fait dans le passé, sans honte, sans gêne, mais aussi sans se voir remettre véritablement en cause par nombre de médias à la mémoire courte et à l'analyse légère.
De sorte que la réaction du citoyen informé se décline en 3 phrases :
- "Comment peut-il/elle dire ça ? N'ont-ils honte de rien ?"
- "Personne ne va gober ça, j'espère"
- "Ils nous prennent vraiment pour des cons", le "Ils" regroupant ici élites médiatique et politique.

Bref, petit tour d'horizon de déclarations ou de projets de mesures remises dans leur contexte pour lesquelles, à leur lecture, ces 3 phrases risquent de revenir en boucle.


Vous l'aviez anticipé, le chef de l'Etat tient ici la corde. Largement en tête du Bobaromètre tenu par des journalistes de Libération, N. Sarkozy semble nous prendre pour des poissons rouges.


Premier élément, il proposait il y a quelques jours une taxation des Français exilés fiscaux. Magnifique.
En 2007, Sarkozy avait fait campagne sur le taux de prélèvements qui faisait fuir les talents de France : comprendre les grandes fortunes. Nous avons encore en mémoire les déclarations de C. Lagarde sur les évadés de la Gare du Nord. A l'époque, la richesse était le fruit du travail et l'impôt une lubie de bobos.
Perrault, G., Lagarde évalue le paquet fiscal à 13.6 milliards, Le Figaro.fr, juillet 2007.


L'évadé fiscal est donc passé du statut de victime à celui d'imposteur moral dans le discours sarkozyste. Nous trouverons sans doute, aujourd'hui, un responsable UMP pour réévaluer le coût du paquet fiscal à la baisse.

Mais le plus drôle reste tout de même cette nouvelle posture sur l'Europe ; nous avons besoin "d'une Europe qui protège."
Après un quinquennat d'alignement sur l'ordolibéralisme allemand, d'exigences de mesures radicales concernant le peuple grec notamment, après avoir fait passer en force le Traité Constitutionnel Européen qui voue aux gémonies toute idée de protectionnisme, en voilà un beau discours.
Mais pouvons-nous y voir un changement de cap à 180° ? Une table rase du passé pour un nouveau quinquennat plus... progressiste ?
Même pas. Car dans le même temps, N. Sarkozy a signé et oeuvre maintenant à la ratification parlementaire du Mécanisme Européen de Stabilité et du Traité sur la stabilité, la convergence et la gouvernance dans l'Union.
Pour faire court, le MES est un fonds monétaire européen, ratifié en février par nos 2 assemblées, qui s'inscrit dans le cadre plus large du TSCG, signé par le chef de l'Etat lors du sommet européen du 2 mars, pour une ratification parlementaire après les élections.

Alors que disent ces textes ?
Le TSTG indique, Article 3, que la règle des 3% de déficit budgétaire passe à 0.5% de déficit structurel; notion plus floue.
Article 4 : Une dette dépassant les 60% du PIB doit être combattue par une réduction de 5% par an. Pour donner un ordre d'idée, sur le budget 2011, 80 milliards d'économie seraient demandées pour rembourser le capital de 5%, en plus des intérêts de la dette accumulée (50 milliards cette année). Impossible.
Mais ces règles devront être "opérantes dans la législation nationale par des dispositions de caractère contraignant et de nature permanente, de préférence au niveau de la Constitution." Article 3. Très bien. Tant qu'à faire.
Le MES indique que la Commission Européenne, avisée des conseils de la BCE et du FMI, décide du déblocage des prêts aux pays en difficulté, tout en définissant la "conditionnalité", c'est-à-dire les mesures concrètes exigées en échange du prêt pour la remise en ordre des budgets nationaux. Le texte parle de programme d'ajustement macroéconomique. Ce mot ajustement donne encore des sueurs froides à toutes les pays en développement victimes du FMI (Burkina-Faso, Ethiopie, Equateur...)

Bref, là où la crise actuelle devrait nous amener à revoir les moyens de financement des dettes publiques européennes, N. Sarkozy affirme nous protéger en durcissant les règles budgétaires et en abandonnant une partie de notre souveraineté au profit d'une institution non démocratiquement élue, ultra-libérale depuis sa mise en place. N'avoir honte de rien, disions-nous ?
Pour rappel, le nouveau prêt à la Grèce sera accordé sous réserve de mesures d'austérité supplémentaires : baisse du salaire minimal de 22%, privatisations en cascades et fermetures de service public. Voilà ce que veut dire aujourd'hui une conditionnalité en vue de l'obtention d'un prêt par la Commission Européenne.
La Grèce, première colonie de l'Europe, A qui le tour, Site du CADTM, mars 2012


Mais ne soyons pas plus anti-sarkozystes que de raison (sic)... Si F. Hollande souhaite renégocier le traité s'il est élu, les sénateurs PS se sont abstenus lors de la ratification du MES. Grand début de lutte...

Puis vient l'acharnement légitime des politiques à maintenir en France nos usines. Toujours après des décennies d'ouverture à la concurrence, de libre-échange, de libre circulation des capitaux. Grande hypocrisie.
Mais alors le sketch Lejaby a atteint des sommets dans ce domaine !
Laurent Wauquiez, ministre et élu de Haute-Loire, se réjouit de la reprise de l'entreprise par un sous-traitant du groupe LVMH dirigé par Bernard Arnault. Le Monde applaudit .
L'émission "Là-bas si j'y suis" rappelle à quel point le groupe de la première fortune française œuvre à la sauvegarde de l'emploi national. Loin de toute recherche de moins-disance sociale et salariale.
Exemple: les costumes Kenzo du groupe LVMH ne sont plus produits en France. La première délocalisation a amené la production en Pologne, les salariées françaises à 1100 euros remplacées par des polonaises à 250 euros; une deuxième désormais en Bulgarie, l'usine polonaise est fermée, les ouvrières bulgares travaillent pour 150 euros par mois.
Saint Bernard Arnault, notre sauveur si modeste, Là-bas si j'y suis, France Inter, mars 2012

A Florange, il a fallu l'intervention du chef de l'Etat pour obtenir les financements nécessaires à la reprise de l'activité des hauts-fourneaux (500 salariés, 2300 pour l'ensemble de l'aciérie); à en croire certains commentaires, nous devrions nous réjouir de ce "geste" de Lakshmi Mittal. Notre président est toutefois passé bien après le wedding planner de la fille de M. Mittal, qui lui, a obtenu 55 millions, sans présenter de retour sur investissement réaliste.
Il faut vraiment nous prendre pour des abrutis pour ne pas nous donner à voir sur ce point précis autre chose que l'échec total du néolibéralisme: distribution des richesses écoeurante, transfert de pouvoir du politique au capital, paupérisation et mise en concurrence déloyale des classes ouvrières des pays industrialisés...


Mais nos élites politiques et économiques ne sont pas les seuls à s'activer, dans ce qu'on pourrait appeler une entreprise massive de foutage de gueule.
Extraordinaire, par exemple, comment nos journalistes enferment le débat de la dette publique. Le service public, pour recevoir les candidats à la présidentielle, fait appel à 2 acteurs de médias privés (sic) : François Lenglet, directeur de BFM Business,et Franz-Olivier Giesbert, auteur d'un livre corrosif sur N. Sarkozy et directeur du Point.
Face à François Hollande, les deux experts expliquent sans sourciller qu'il n'y a pas d'autre solution plausible pour lutter contre la dette que la réduction des dépenses.

Lenglais, à grand coup de chiffres contestés sur la part des dépenses dans le PIB, développe un point de vue néolibéral classique, le faisant passer pour une expression de bon sens : "les autres pays l'ont fait !" Il ne nous parlera donc pas des choix faits par l'Islande l'an dernier ou de ceux de l'Argentine en 2002. Préférons le très conservateur Canada

Lenglais ne nous parlera pas, non plus, de la dernière étude sur la consommation de soins et de biens médicaux des Français réalisés par l'OMS (cf également cet article précédemment cité sur le blog). Celle-ci place désormais la France au 7ème rang mondial pour son système de santé; 1er en 2000, 1er européen en 2006. Belle rétrogradation donc, alors même que le rapport de l'institution indique que la part de notre richesse consacrée à notre santé a augmenté et que la part de remboursement, par l'assurance-maladie des soins de santé ordinaires, a fortement chuté de 71% en 2005 à 50% en 2010.
Jourdaa, F., Sécu, retraites : comment sauver notre modèle social ?, Journal Ouest-France, mars 2012

Bref, à mesure que nous réduisons la prise en charge publique des dépenses de santé, nous augmentons le coût total de notre facture santé, pour un service global de moins bonne qualité. Fou, non ?

Ne nous attardons pas sur Giesbert, dont l'acharnement anti-sarkozyste peut séduire, mais rions un peu avec le Point pour comprendre à qui fait appel le service public pour analyser la campagne. Pour cela, relisons Claude Imbert, éditorialiste inamovible du magazine, lors de la mise en place de la monnaie commune.
Attention littérature néolibérale de haut-vol !
"En France, pays où les moins assistés des chômeurs sont mieux lotis que la majorité des travailleurs du monde, l'an neuf nous accueille avec l'euro (...). C'est depuis longtemps la meilleure nouvelle ! (...) L'harmonisation progressive que l'euro imposera devrait nous être propice: comme nos prélèvements sont les plus lourds et notre socialisme le plus corsé, toute potion médiane devrait d'abord alléger nos charges."
Imbert, C., Editorial, Le Point, décembre 1998.
Comme c'est beau. Lire du Claude Imbert aura forgé à jamais des dizaines de vocations altermondialistes.


Nous en revenons ici au film/livre "Les Nouveaux Chiens de Garde" ayant démontré le quasi-verrouillage des médias de masse par la pensée néolibérale. L'autre idée-force du film réside dans la mise en évidence des conflits d'intérêts auxquels s'exposent nos experts économiques, présentés comme éclairés et indépendants sur nos plateaux-télé, jamais comme lobbyistes du système bancaire. Certains le sont pourtant.
L'article de Renaud Lambert sur ce sujet est éclairant et la multitude d'exemples interpelle.
Lambert, R., Les économistes à gages sur la sellette, Le Monde Diplomatique, mars 2012

Reprenons seulement le cas de Jean-Hervé Lorenzi toujours présenté comme président du Cercle des Economistes pour parler bourse et économie, sur RTL et Europe 1, immobilier dans Les Echos et conseils de campagne au QG de François Hollande. Tout cela sans jamais mentionner ses fonctions de membre du conseil d'administration des Pages Jaunes, d'EDF, d'Associés en Finance, de BNP Paribas Assurances, de l'Association Française des Opérateurs Mobiles, ou membre du conseil de surveillance de BVA ou de la compagnie financière Saint-Honoré, ou encore conseiller du directoire de la Banque Rotschild. Mais nous ne devrions pas remettre en cause son indépendance; à 35 000 euros par mandat en moyenne pour les sociétés du CAC 40 , non, ne le faisons-pas.


Pour conclure, le risque d'un tel inventaire peut susciter une quatrième réaction bien souvent entendue, "Tous Pourris". Il peut également susciter l'affirmation d'une sorte de théorie du complot où experts, politiques, grand patronat et médias feraient le jeu dogmatique du  néolibéralisme, au profit de leur classe dominante.
Bien loin d'affirmer de telle chose, l'idée de ce billet est plutôt de montrer que d'autres possibilités d'information sont à la portée de tout citoyen, que l'information citoyenne est un pré-requis nécessaire à une rupture réelle. Car, dans cette campagne, le plus triste n'est bien souvent pas dans les articles que nous pouvons lire, mais dans les réactions de certains lecteurs où des idées, obsolètes face aux attaques en règle néolibérales, apparaissent toujours; le consommateur briseur de grève, le salarié stigmatisant l'assisté, le travailleur du privé en colère face au fonctionnaire, les parents d'élèves en opposition à des enseignants délégitimés, ou encore les réactions racistes face au travailleur immigré...

L'information citoyenne, donc pour ne pas se tromper d'ennemi.