dimanche 29 janvier 2012

Revenus et fiscalité

La fiscalité sera au coeur de la campagne présidentielle, mais pour ne pas se laisser enrhumer, dirons-nous, par des propos du type: "ne pas se faire voler les fruits de son travail", "l'impôt bien trop élevé en France, qui fait fuir les talents"..., nous devons nous intéresser à la distribution des revenus dans notre pays.

Selon les chiffres de Piketty découlant eux-mêmes de la comptabilité nationale, le salaire médian des français (de plus de 18 ans) est de 19 900 euros bruts. La moitié des Français donc gagnent moins de 20 000 euros par an.

Les revenus des Français sont ensuite classés par percentile, des 1% des français les plus pauvres aux 1% des français les plus riches. Chaque percentile comptant un nombre égal de personnes autour de 500 000. Nous pouvons alors déterminer des barres d'entrée.

Le fait de prendre l'ensemble des Français de plus de 18 ans permet d'englober dans l'étude les étudiants, les personnes sans emploi, les travailleurs à temps partiel.
Bref, nous nous rendons alors compte que 30% des Français touchent moins de 1000 euros bruts par mois. Indicateur surprenant, certes, mais comme la méthode de calcul peut frapper, étudiants recensés, minimas sociaux non pris en comptes, n'oublions pas que l'INSEE comptabilise 13% de la population française pauvre. Cette statistique prend en compte le niveau de vie qui lui comptabilise les revenus de redistribution (minimas sociaux, allocations...).

A partir de 30 000 euros de revenus bruts annuels, vous faîtes partie du dernier quart le plus riche.
Jusque-là, les revenus progressent d'un percentile, voire même d'un décile à l'autre faiblement. Une belle économie de redistribution, diriez-vous...
Mais ensuite, la pente de la courbe devient plus raide, les revenus se différencient un peu plus vite.
A partir de 45 000 euros, vous entrez dans le dernier décile; les 10% les plus riches.
A partir de 61 000 euros, les 5%.
Puis ensuite la courbe devient de type exponentielle : 123 000 euros sont nécessaires pour faire partie des 1% les plus riches, et si vous voulez chercher la petite bête, 362 000 pour les 0.1% et 1.3 millions pour les 0.01%.

Trop de chiffres trop vite, donc voilà une présentation graphique, la courbe à partir des chiffres de Piketty.

Lecture : - un individu dont les revenus sont de 22 000 euros par an fait partie des 50% des français (tous les français de +18 ans) les plus riches mais ne fait pas partie des 40% les plus riches
              - La barre d'entrée des 10% les plus riches (L'INSEE parle de dernier décile) est de 45 000 euros.

Bref, voilà la courbe des revenus d'un pays d'économie néolibérale soit-disant "égalitariste", "où les talents ne peuvent pas s'exprimer", "d'un pays qui ne veut pas évoluer dans un monde qui change"...

Toutes ces sornettes vous font exploser ?
Alors poursuivez en allant consulter la courbe sur le site des auteurs de la révolution fiscale du taux d'imposition globale des français selon leurs revenus. Quand on additionne les impôts sur le travail (charges, CSG...), sur le revenu (IRPP, ISF), sur les revenus du capital et aussi et surtout la TVA, l'impôt le plus lourd des classes moyennes.


Pour pousser la petite bête, le graphique suivant est le même, mais va au-delà des percentiles en intégrant les 0.1% et les 0.01% des Français les plus riches.

Lecture : - Les 0.1% des français les plus riches ont un revenu annuel supérieur à 362 219 euros

Comme les revenus des 99% des français paraissent si faibles, comme les efforts d'une vie de travail pour faire marcher l'ascenseur social (financier) et gravir quelques échelons semblent réduits à si peu de choses.

A l'heure où dresser des catégories de français aux revenus comparables, les unes contre les autres, est une marque de fabrique (l'assistanat, le public contre le privé, les fraudeurs, "ceux qui ne manifestent" jamais contre les autres...), un mouvement citoyen américain a pour principal slogan "We are the 99%". Eloquent, non ?

Pour une révolution fiscale, Landais, C., Piketty, T., Saez, E., Editions du Seuil, 2010.

dimanche 8 janvier 2012

Suivi... de campagne en crise

La réinformation et la désinformation au coeur de la semaine.

Michel Rocard et Pierre Larrouturou ont fait passé, dans Le Monde, une tribune sur la profonde ânerie du mode de financement de nos dettes auprès des banques privées.

Une excellente chose de voir un article d'économiste hétérodoxe paraître dans un journal de référence. Par contre, pourquoi le signer avec Michel Rocard qui, dans ses interviews nous sert bien souvent le refrain du contrôle des dépenses publiques, et semble peu regretter les mesures prises au tournant de la rigueur de 1983 par les gouvernements socialistes ?
Mais cette parution était tout de même une réussite et Pierre Larrouturou semble avoir le vent en poupe, dommage pour les Verts ou plutôt EELV, parti qu'il a quitté début décembre.


Ensuite, la TVA sociale a occupé la majeure partie des rubriques d'économie politique de nos médias, avec un niveau d'analyse souvent bien ridicule. La TVA étant par définition l'impôt le plus dégressif qui soit, toute hausse de TVA dans un pays comptant 13% de pauvres peut paraître comme une ânerie, sauf à ce gouvernement.
Mais une analyse plus fine de la structure de nos emplois peut réhabiliter l'idée d'une TVA "anti-délocalisation" ciblée. Réfléchir d'abord à quels emplois sont soumis à la concurrence internationale paraît plus sérieux et c'est ce qu'à réaliser Alain Godard dans cet article très intéressant. Les chiffres sur la struture de l'emploi en France sont surprenants.

Reste à débattre du coût du travail comme responsable du chômage. 
Rapidement, nous rappellerons que des dispositifs existent déjà : l'allègement Fillon a permis de diminuer de manière importante les charges patronales sur les salaires inférieurs à 1.6 fois le SMIC, d'environ 20% du salaire brut pour un SMIC par exemple. Le pourcentage de la population active, travaillant à temps plein, gagnant moins de 1.6 fois le smic est de... 44%. Temps partiel compris, votre estimation personnelle fera l'affaire.
Ensuite, le coût du travail en France reste élevé mais la comparaison des coûts du travail en Europe et des taux de chômage montre que la question du chômage est bien plus complexe que ça.


Et le meilleur pour la fin, mercredi 11 sort au cinéma le film "Les Nouveaux chiens de garde" inspiré du livre de Serge Halimi autour de l'activité de nos chers économistes de plateaux télé. Des économistes qui se sont tant trompés mais sont toujours invités.

L'émission Là-bas si j'y suis a réalisé une présentation du film qui laisse espérer un bon moment de réinformation.

Extraits. Alain Minc, Daniel Cohen et Christian de Boissieu étaient réunis sur un plateau en juin 2008 pour nous dire que la crise se terminait et affirmer que le risque systémique était derrière nous. 3 mois avant le krach de septembre. Quels devins !
Depuis, Christian de Boissieu est passé 71 fois sur BFM et 19 fois sur les antennes de Radio France. 
Et Elie Cohen, merveilleux quand il a déclaré en 2007 : « Il faut s’habituer à l’idée que les crises financières ne constituent pas des cataclysmes mais des méthodes de régulation d’une économie mondiale qu’on n’arrive pas vraiment à encadrer par des lois ou des politiques ». Vous pouvez pourtant le voir ou l'entendre chaque semaine.

Mais pour débiter de telles conneries, ces idéologues bien plus qu'économistes sont payés très chers pour débiter leur discours néolibéral... sous une façade de neutralité politique.
Pour une conférence dernièrement à Nantes, payée par la communauté urbaine et Veolia, Jacques Attali a touché 20 000 euros. Celui-là même qui dans son rapport préconisait tant de conneries.

A mourir de rire

Et bonne année...