La fiscalité sera au coeur de la campagne présidentielle, mais pour ne pas se laisser enrhumer, dirons-nous, par des propos du type: "ne pas se faire voler les fruits de son travail", "l'impôt bien trop élevé en France, qui fait fuir les talents"..., nous devons nous intéresser à la distribution des revenus dans notre pays.
Selon les chiffres de Piketty découlant eux-mêmes de la comptabilité nationale, le salaire médian des français (de plus de 18 ans) est de 19 900 euros bruts. La moitié des Français donc gagnent moins de 20 000 euros par an.
Les revenus des Français sont ensuite classés par percentile, des 1% des français les plus pauvres aux 1% des français les plus riches. Chaque percentile comptant un nombre égal de personnes autour de 500 000. Nous pouvons alors déterminer des barres d'entrée.
Le fait de prendre l'ensemble des Français de plus de 18 ans permet d'englober dans l'étude les étudiants, les personnes sans emploi, les travailleurs à temps partiel.
Bref, nous nous rendons alors compte que 30% des Français touchent moins de 1000 euros bruts par mois. Indicateur surprenant, certes, mais comme la méthode de calcul peut frapper, étudiants recensés, minimas sociaux non pris en comptes, n'oublions pas que l'INSEE comptabilise 13% de la population française pauvre. Cette statistique prend en compte le niveau de vie qui lui comptabilise les revenus de redistribution (minimas sociaux, allocations...).
A partir de 30 000 euros de revenus bruts annuels, vous faîtes partie du dernier quart le plus riche.
Jusque-là, les revenus progressent d'un percentile, voire même d'un décile à l'autre faiblement. Une belle économie de redistribution, diriez-vous...
Mais ensuite, la pente de la courbe devient plus raide, les revenus se différencient un peu plus vite.
A partir de 45 000 euros, vous entrez dans le dernier décile; les 10% les plus riches.
A partir de 61 000 euros, les 5%.
Puis ensuite la courbe devient de type exponentielle : 123 000 euros sont nécessaires pour faire partie des 1% les plus riches, et si vous voulez chercher la petite bête, 362 000 pour les 0.1% et 1.3 millions pour les 0.01%.
Trop de chiffres trop vite, donc voilà une présentation graphique, la courbe à partir des chiffres de Piketty.
Lecture : - un individu dont les revenus sont de 22 000 euros par an fait partie des 50% des français (tous les français de +18 ans) les plus riches mais ne fait pas partie des 40% les plus riches
- La barre d'entrée des 10% les plus riches (L'INSEE parle de dernier décile) est de 45 000 euros.
- La barre d'entrée des 10% les plus riches (L'INSEE parle de dernier décile) est de 45 000 euros.
Bref, voilà la courbe des revenus d'un pays d'économie néolibérale soit-disant "égalitariste", "où les talents ne peuvent pas s'exprimer", "d'un pays qui ne veut pas évoluer dans un monde qui change"...
Toutes ces sornettes vous font exploser ?
Alors poursuivez en allant consulter la courbe sur le site des auteurs de la révolution fiscale du taux d'imposition globale des français selon leurs revenus. Quand on additionne les impôts sur le travail (charges, CSG...), sur le revenu (IRPP, ISF), sur les revenus du capital et aussi et surtout la TVA, l'impôt le plus lourd des classes moyennes.
Pour pousser la petite bête, le graphique suivant est le même, mais va au-delà des percentiles en intégrant les 0.1% et les 0.01% des Français les plus riches.
Lecture : - Les 0.1% des français les plus riches ont un revenu annuel supérieur à 362 219 euros
Comme les revenus des 99% des français paraissent si faibles, comme les efforts d'une vie de travail pour faire marcher l'ascenseur social (financier) et gravir quelques échelons semblent réduits à si peu de choses.
A l'heure où dresser des catégories de français aux revenus comparables, les unes contre les autres, est une marque de fabrique (l'assistanat, le public contre le privé, les fraudeurs, "ceux qui ne manifestent" jamais contre les autres...), un mouvement citoyen américain a pour principal slogan "We are the 99%". Eloquent, non ?
Pour une révolution fiscale, Landais, C., Piketty, T., Saez, E., Editions du Seuil, 2010.
Pour une révolution fiscale, Landais, C., Piketty, T., Saez, E., Editions du Seuil, 2010.