mercredi 27 juin 2012

Voter sans avoir été pris pour un âne : 3 Analyses

Les quatre tours d'élections ont considérablement modifié la donne du législatif et de l'exécutif français et amène de nouvelles visions de l'électorat français.

3 articles d'analyse de ses scrutins méritent une bien plus grande attention que les "chiffres de Brice Teinturier" ou les avis des conseillers de David Pujadas.


Lordon, F., Front National : mêmes causes, mêmes effets, Blog La pompe à phynance, mai 2012
Frédéric Lordon recontextualise le haut score du Front National dans l'offre politique actuelle, le manque d'alternative et la succession des scrutins précédents.

Harribey, J.-M., A gauche, vote de classe modéré; à droite, vote de classe radical, Blogs Alternatives Economiques, juin 2012
Jean-Marie Harribey affirme, statistiques à l'appui, que "le choix de classe de droite est bien plus radical que le choix de classe de gauche. Cela se vérifie dans le domaine politique et aussi dans le domaine économique."


Halimi, S., L'audace ou l'enlisement, Elections présidentielles en France, Le Monde Diplomatique, avril 2012 
Et nous remettons ici l'article le plus abouti de la campagne, antérieur au vote, mais qui sonne toujours particulièrement juste au moment de la confrontation de François Hollande à ses partenaires européens sur sa modeste politique de croissance.


Bonne lecture.

mardi 26 juin 2012

Réponse argumentée à D. Seux sur les salaires enseignants

Dominique Seux est chroniqueur sur France Inter et rédacteur en chef des Echos. Il serait toutefois plus exact de parler à son encontre d'idéologue, tant son acharnement à défendre une politique de l'offre pour nos entreprises est sans limites. C'est son droit.
Comme tout idéologue libéral, son écoute peut gâcher une matinée à un tout partisan d'une gauche progressiste et sa précision dans le maniement des chiffres est extrêmement aléatoire. Gilles Raveaud, économiste, l'avait démontré suite à une chronique sur les écarts de richesse et d'ailleurs une contre-chronique devrait s'imposer chaque jour pour une plus grande neutralité sur le service public. Ce serait notre droit.
Mais ce matin, la chronique de France Inter a été consacrée à un sujet autre que les charges, le manque de compétitivité, la pression fiscale... Il était question du salaire des enseignants.

En voici la contre-chronique.
La démonstration de D. Seux tient en 3 points.
- Un proviseur d'un établissement scolaire a communiqué des salaires d'enseignants très élevés.
- Cet établissement est un établissement normal.
- Nous ne pouvons en tirer de conclusions sur les salaires des enseignants, mais cela nous pousse à réfléchir.
Il est intéressant de voir comme la chronique du blog est modifiée, marginalement, adoucie, par rapport à la chronique radio originale.

Sur le premier point, la véracité des faits n'est pas à remettre en cause et il est utile de donner quelques éléments de hiérarchie scolaire pour montrer que par contre, on ne peut parler d'établissement normal.
Le système de mutation des enseignants permet des disparités importantes dans la proportion d'agrégés dans l'effectif enseignant. Un grand lycée général et technologique est un établissement où la proportion d'enseignants agrégés est importante. Quelques enseignants, avec une expérience avancée, peuvent être promus agrégés hors classe et être rémunérés selon la grille de rémunération la plus haute du second degré.  L'auteur n'a pas donné la proportion de professeurs agrégés dans l'établissement, encore moins celle des agrégés HC. Les agrégés ne constituent que 18% des effectifs enseignants en collège, de 25% en lycée général et technologique. Mais dans certains établissements plus cossus, bénéficiant de formations d'enseignement supérieur (classes préparatoires, BTS...), la barre des 50% est bien souvent dépassée et les agrégés hors classe peuvent ne pas relever de l'exception. Nous pouvons penser qu'il s'agit de ce type d'établissement ici et non pas d'un lycée en zone semi-rurale ou en ZEP. Les agrégés ne représentent toutefois qu'un petit 10% des 850 000 enseignants français. Primaire et lycée professionnel compris. A échelon égal, leur rémunération de base est de 400 à 700 euros supérieurs à celles des enseignants certifiés pour un temps devant élève de 3h inférieur. A temps de travail égal, 3 heures supplémentaires rapportent 3*150 euros payés sur 9 mois. Des différences sensibles existent bien.
D. Seux semble faire une distinction entre primaire et premier degré. Il n'y en a pas. Le collège fait partie du second degré.

Les grands lycées ne sont pas des établissements normaux. Il est de notoriété publique, pas besoin d'aller chercher de clés USB que les enseignants de classes préparatoires, par exemple, par le jeu des "colles" ou "kholles", heures supplémentaires ou complémentaires peuvent gagner 4000 euros par mois. En enseignement supérieur, leur temps de cours est plus faible ce qui amène des facilités en heures supplémentaires, et surtout les colles touchent à la particularité de la rémunération des enseignants. Une colle est une heure d'évaluation devant un à deux élèves, peu de préparation, peu de correction, mais elle est payée comme tout autre heure d'enseignement. Productivité maximale.  
La rémunération à l'heure de cours est le problème majeur du traitement des enseignants. Tâches annexes peu ou pas rémunérées, temps de préparation et de correction, qualité d'enseignement ignorés.
Pour sortir enfin des sous-entendus sur le temps de travail qui serait peu éloigné du temps de cours, Dominique Seux aurait du citer cette étude de 2002 indiquant que le temps de travail enseignant moyen était de 39.5h dont 20h hors enseignement.
Les paies maximales, comme ces 9400 euros sur un mois, peuvent s'expliquer par les subtilités de paiement dans l'Education Nationale. Heures supplémentaires payées seulement à partir de novembre voire décembre, passage à l'échelon supérieur effectif 6 mois plus tard. Tout enseignant connaît dans l'année un mois de paie plus important.

   
Enfin, cela devrait nous pousser à réfléchir et à remettre en cause les idées reçues sur le salaire enseignant. Quelle blague ! Les salaires enseignants sont vérifiables à la virgule près par la moindre recherche Internet. Un minimum de déontologie aurait été de consulter ces fameuses grilles indiciaires pour les resituer sur la population enseignante. 
La référence retenue pour les enseignants est la suivante : il faut 10 ans d'ancienneté à un enseignant certifié ou un professeur des écoles pour gagner 2000 euros nets. Leur grille indiciaire est équivalente, seules les primes diffèrent au détriment du premier degré. A noter que ces dernières années ont vu l'apparition de nouveaux statuts comme celui d'enseignant en contrat à durée indéterminée, non fonctionnaire, doté de la même charge de travail pour lesquels 10 ans de carrière ne suffisent pas à dépasser les 1500 euros nets par mois.

Enfin les disparités de revenus ne cachent pas notre investissement global en éducation comparée à nos voisins. D. Seux étant le champion de la comparaison internationale, à l'Allemagne bien sûr, comparons en reprenant ici mot pour mot, Claude Lelièvre, historien de l'éducation:
Lelièvre, C., PISA: La France championne des résultats inégalitaires, Blog EducPros, Décembre 2010

"Selon les données de l’OCDE datant aussi de l’année 2006, la France se caractérise pour l’enseignement primaire par un coût salarial par élève (1625 dollars) nettement plus faible que dans la moyenne de l’OCDE: elle est en 25° position pour 30 pays. L’écart par rapport à cette moyenne (-637 $) s’explique par des facteurs de sens divergent : un salaire des enseignants plus faible (-256 $), un temps d’enseignement assuré par les enseignants plus élevé (-257 $), une taille des classes plus importante (-394 $), et, en sens inverse, un temps d’instruction des élèves plus long (+ 270 $)".
Nous noterons donc que les "instits" français sont moins bien payés, pour un temps devant les élèves plus long et des effectifs par classe plus importants. En 2006 ! L'Education Nationale compte 79 000 enseignants en moins depuis.
Au collège, le coût salarial par élève en France (2392 dollars) reste inférieur à la moyenne de 526 dollars : la France se situe en 22° position. Le temps d'enseignement moindre compense l'écart de salaire. Un autre lien pour aller plus loin dans les comparaisons de  salaires enseignants. 
Au final, nous obtenons des résultats dignes du 25ème rang de l'OCDE pour un investissement proche du 25ème rang. Avec une particularité, une inégalité devant l'école énorme entre classes sociales couronnée par une avant-dernière place à ce sujet.



En conclusion, les salaires enseignants ne sont que peu en rapport avec leurs compétences réelles, leur temps de travail et une énorme disparité les caractérise. Cela ne vous rappelle rien ? Si, toute entreprise répondant à une logique de marché dont Dominique Seux nous parle chaque matin. Espérons qu'il mette dorénavant la même ardeur à défendre la justice salariale dans l'entreprise.
Voilà quelques éléments de réponse à cette chronique qui a fait beaucoup parler aujourd'hui et que nombre d'enseignants auront pris comme une énième provocation.
Pour aller plus loin, un état des lieux sur l'Etat de notre école avait été mis en ligne sur ce blog lors de la campagne présidentielle. La dernière partie de ce billet en est extraite.

samedi 5 mai 2012

Voter sans être pris pour un âne 4 : Le coût du travail

Le travail  restera sans doute comme le sujet clivant de cette campagne présidentielle ; le sujet phare face auquel chacun doit choisir son camp. Libération propose une illustration intéressante et presque drôle de nos divisions sur la valeur Travail.

Nicolas Sarkozy a ainsi mis au cœur de sa rhétorique, pas de son action, la valeur travail (cf papier précédent) et a dévoilé son programme sur la notion de coût du travail dans cette phrase lumineuse :
"En France, le salaire n'est pas trop haut, il est trop bas. Augmenter les salaires et diminuer le coût du travail : voilà le défi immense des cinq années qui viennent."

Le président-candidat se fait donc défenseur de l'idée que le salaire individuel est limité par le poids du collectif, de l'Etat. La meilleure réponse au président a été donnée il y a quelques semaines par... Philippe Poutou dans des Paroles et des Actes dans un dialogue avec ce très cher Lenglet.
"M. Lenglet, il ne s'agit pas de charges mais de cotisations salariales ou patronales. C'est du salaire, du salaire différé."
Après avoir relayé cela, le risque de se faire traiter de communiste est important donc justifions-nous très rapidement par les chiffres pour défendre l'idée que le coût du travail n'est pas du tout le problème dans la comparaison entre économies développées.


Les écarts sont-ils importants entre pays développés ?
Le coût du travail en France est légèrement supérieur à l'Allemagne mais ne se trouve pas mal placé dans la comparaison à ses voisins européens.
Ensuite, dans la comparaison avec l'Allemagne, le coût horaire est corrigé par la productivité. La meilleure productivité des salariés français compense l'écart horaire. Enfin, les 35h ne sont que peu responsables de l'évolution de ce coût. C'est Philippe Poutou qui le dit ? Non c'est l'INSEE.
Benz, S., Coût du travail : l'INSEE fait de la désintox, Site L'Expansion, février 2012 
De plus, ces faibles écarts ne sont pas la cause principale du choix ou du refus d'un investisseur de s'installer en  France, 2ème pays pour les investissements étrangers en Europe. Et surtout, tous nos emplois ne sont pas exposés à la concurrence internationale. De nombreux emplois sont non délocalisables.
Godard, A., Meilleurs Voeux... pour un débat moins simpliste sur l'emploi, Site Alternatives Economiques, Blogs, janvier 2012.
Et enfin, de récentes études ont montré la faible corrélation entre le coût du travail et les exportations d'une économie. Un pays à faible coût du travail n'exporte pas forcément plus que ces concurrents moins "compétitifs". Les baisses de coût du travail dans certains pays sont purement des choix politiques voire idéologiques. Certains pays choisissant politiquement de baisser le coût du travail dans des ecteurs d'emplois non délocalisables.
Raveaud, G., Scoop : l'Espagne est aussi compétitive que l'Allemagne, Site Alternatives Economiques, Blogs, août 2012.
Voilà pour la base.


Maintenant, où va l'argent de nos charges ?
Arrêtons là tout net, le mythe d'un Etat dilapidant l'argent, les cotisations sont redistribuées aux citoyens ! 
Les cotisations correspondent à la part mutualisée de nos dépenses et celle-ci est importante. Le revenu moyen avant impôt est de 2800 euros par adulte et près de la moitié, 49%, est prélevée en cotisations sociales (1300 euros). Une partie est reversée directement par ce qu'on appelle les transferts sociaux en espèces : allocations diverses, prime pour l'emploi diront les libéraux ou les adversaires de l'assistanat mais la part la plus importante est bien constituée par les retraites, dont le versement est bien sûr différé mais qui ne sont pas redistributives (les salariés ayant le plus cotisé reçoivent des retraites plus importantes). Soit 600 euros en moyenne par couple. Puis vient les transferts sociaux en nature : l'éducation et la santé principalement mais aussi la sécurité, les transports... Soit 700 euros par français !
Landais, C., Piketty, T., Suez, E., Pour une révolution fiscale, janvier 2011.

Evidemment, ces allocations étant réorientés entre citoyens en fonction des revenus ou des cotisations, elles participent à la réduction des inégalités sociales. Les 20% les plus riches touchent 42% des revenus bruts et les 20% les plus pauvres 5%. Après redistribution sociale, leurs parts respectives passent à 36% et 11%. Mais par exemple, pour les transferts sociaux en espèces, les 20% les plus riches touchent 14 120 euros contre 5320 pour les plus pauvres; les retraites sont l'explication.
Ramaux, C., Eloge de la dépense publique, in Les Economistes Atterrés, Changer d'économie, janvier 2012.
Notons que les cotisations patronales sont des prélèvements sur la marge des actionnaires, sur des revenus de citoyens. Une entreprise étant fiscalement neutre. L'actionnariat étranger et l'évasion fiscale sont un biais à la démonstration, nous y reviendrons.


Mais ces cotisations sont-elles "trop élevées" en raison de "dépenses publiques trop élevées" en comparaison à nos voisins ?
Timbeau, X., Dépenses publiques en France : en fait-on trop ? Site de l'OFCE, mars 2012.

La France consacre une part de son PIB pour sa dépense publique stricte équivalente à celle de ses voisins européens, 18% et celle-ci est en récession depuis 20 ans. 10ème place de l'OCDE, moins dépensière que les Etats-Unis ou l'Italie. Surprise, non ? 
Pour la part plutôt faible de l'éducation, nous en avions déjà parlé dans un précédent billet.
Pour la dépense publique par transferts sociaux assurantiels, santé et retraite principalement, la France fait partie des Etats les plus dépensiers. Pourquoi ? Notre particularité française est que nous mutualisons nos frais de santé et notre système de retraite et cette mutualisation est le fait de l'Etat principalement.
 "L'Etat ??!! C'est terrible !!" Et bien non, et cela il faudra le répéter encore des dizaines de fois.
Nous consacrons par cette mutualisation une part moins importante de notre richesse (PIB) aux frais de santé que nos voisins. Le financement de la santé publique par la Sécu coûte moins cher aux Français qu'un financement privé ou par des mutuelles d'entreprises. Les frais d'administration représentent 20% des dépenses des mutuelles contre 5% à la Sécu.
Bulard M., Comment fonctionnent les systèmes de santé dans le monde, Le Monde Diplomatique, Février 2010.

Mais alors comment comprendre les politiques que nos dirigeants veulent mettre en place ?
La logique de nos dirigeants néolibéraux est de penser que la moins-disance fiscale et sociale ou les signes donnés aux investisseurs dans ce sens attireront les entreprises. Cette mise en concurrence de nos économies, soi-disant solidaires au sein de l'UE, amène à une modération salariale globale dont l'Allemagne est le premier défenseur. Logique singulière qui amène G. Schröder, chancelier allemand d'un pays comptant 18% de pauvres, à se féliciter devant le Forum de Davos en 2005 : "Nous avons créé l'un des meilleurs secteurs à bas salaire en Europe". De nombreux syndicats ont joué le jeu au nom du maintien de l'emploi mais se sentent aujourd'hui bernés; la part des salaires dans la richesse créée par l'entreprise n'a cessé de régresser et les gains de productivité sont allés à la rémunération du capital.
Dufresne, A., Le Consensus de Berlin, Le Monde Diplomatique, février 2012.

Tant que la part des profits dans la valeur ajoutée n'est pas limitée, cette logique néolibérale ne fait que dévaloriser le travail  au profit du capital. Mais F. Lordon va plus loin en affirmant que le souci n'est pas vraiment, ou pas que, ces 5 à 10% de revenus soient passés du travail au profit.
Lordon, F., Le paradoxe de la part salariale, Blog La pompe à Phynance, février 2009  

En effet, le profit du petit capital, des petits entrepreneurs, est lui aussi faible; celui des sous-traitants également, de sorte que l'écrasante majorité qui se déchire sur le thème du travail ne perçoit pas qu'une infime minorité profite du capitalisme actuel. Seul le haut de la pyramide maximise ses gains, ce qui nous renvoie aux travaux de Piketty et ses 1% les plus riches. Notre capitalisme définit cette distribution inégale des revenus par sa composante actionnariale (la recherche maximale du profit par l'actionnaire) et par sa composante concurrentielle (la concurrence forcément faussée entre travailleurs, entreprises, fiscalité de pays différents). Et pour cela, il s'appuie sur des structures jamais remises en cause politiquement: la libre circulation des capitaux, la non-limitation des rendements du capital, la contre-révolution fiscale, le libre-échange...

En conclusion, augmenter les salaires ne peut se faire par la diminution du coût du travail mais uniquement par la remise en cause de ces structures qui servent une logique d'aspiration de la richesse par une minorité.
Et à plus forte raison, s'opposer sur la valeur travail est une erreur, remettre en cause le coût du travail est un leurre et nous arrivons à une situation d'un cynisme absolu où les défenseurs de la valeur travail ont mis en place les structures de sa dévalorisation.


Vous êtes écœurés ? Ou vous vous dîtes que ces altermondialistes sont juste des communistes maniant bien les chiffres ? Vous restez persuadés comme X. Bertrand qu' "à l'avenir, il va falloir travailler plus !" ?  Très bien, alors une dernière référence s'impose. 
Certaines directives européennes permettent une baisse substantielle du coût du travail, par l'appel à une main d'oeuvre étrangère, employée d'une société de travail intérimaire étrangère payant les cotisations sociales dans le pays d'origine. Et ça, bizarrement, dans une campagne où la peur de l'étranger a dominé, nous n'en avons que peu entendu parler.

dimanche 29 avril 2012

Voter sans être pris pour un âne 3 : l'assistanat

Les idées sur l'assistanat, en opposition au vrai travail, sont au cœur de la campagne et l'on ne compte plus les phrases chocs qui ont heurté depuis quelques mois nos idéaux républicains.

Mais il est difficile de réaliser un travail complet sur la pauvreté, ses conséquences sur le logement et l'éducation. De nombreux arguments ou idées reçues sont affirmés par certains responsables politiques sans jamais citer de chiffres: la largesse de nos allocations ou de la CMU, la rentabilité de ne plus chercher de travail, la part de l'immigration dans la pauvreté, la réalité de l'assistanat dans la population immigrée, la fraude aux allocations...

ATD Quart-Monde a réalisé un dossier de grande qualité et très complet à partir de chiffres de la CNAM, de Pôle Emploi, de l'INSEE... Un dossier qui, espérons-le, montrera que ces idées ne tiennent pas la route une seule seconde.


Pas besoin de commentaires supplémentaires. Tout y est.

Voter sans être pris pour un âne 2 : l'Europe qui protège

Le premier tour a montré que le sentiment eurosceptique domine dans l'électorat français. Tant et si bien que les candidats défenseurs du Traité de Lisbonne, adopté de force après le référendum de 2005, s'adressent à la "Frande du NON" et développent un argumentaire "pour une Europe qui protège".
Quelle est "l'Europe qui protège" que veut M. Sarkozy ? Quelle est la rupture qu'apporte M. Hollande sur ce point et qui semble trouver un écho favorable en Europe ? Un article de Jean Quatremer, champion de la défense de l'austérité pour les Grecs - nous nous en rappelons - fera ici très bien l'affaire.

Revenons donc sur les textes qui font débat, à savoir le Traité sur la stabilité, la convergence et la gouvernance dans l'Union à partir d'un billet précédent du blog.
Le Mécanisme Européen de Stabilité ou MES est un fonds monétaire européen, ratifié en février par nos 2 assemblées. Le MES s'inscrit dans le cadre plus large du TSCG, traité signé par le chef de l'Etat lors du sommet européen du 2 mars, pour une ratification parlementaire après les élections.

Le TSCG indique, Article 3, que la règle des 3% de déficit budgétaire passe à 0.5% de déficit structurel; notion plus floue.
Article 4 : Une dette dépassant les 60% du PIB doit être combattue par une réduction de 5% par an. Pour donner un ordre d'idée, sur le budget 2011, 80 milliards d'économie seraient demandées pour rembourser le capital de 5%, en plus des intérêts de la dette accumulée (50 milliards cette année). Impossible.
Mais ces règles devront être "opérantes dans la législation nationale par des dispositions de caractère contraignant et de nature permanente, de préférence au niveau de la Constitution." Article 3. Tant qu'à faire.
Le MES indique que la Commission Européenne, avisée des conseils de la BCE et du FMI, décide du déblocage des prêts aux pays en difficulté, tout en définissant la "conditionnalité", c'est-à-dire les mesures concrètes exigées en échange du prêt pour la remise en ordre des budgets nationaux. Le texte parle de programme d'ajustement macroéconomique. "Ajustement"... mauvais souvenirs.

Bref, là où la crise actuelle devrait nous amener à revoir les moyens de financement des dettes publiques européennes, N. Sarkozy affirme nous protéger en durcissant les règles budgétaires et en abandonnant une partie de notre souveraineté au profit d'une institution non démocratiquement élue, ultra-libérale depuis sa mise en place.
La rhétorique sarkozyste pour défendre cette position durant la campagne est simple et néolibérale pur jus. Pour ne pas être l'otage des marchés, obligation est faite de rembourser nos dettes et de rassurer nos créanciers. Surtout, il est important de faire passer le message que nous ne pouvons pas sortir du cadre : indépendance de la BCE, emprunt sur les marchés rationnels, ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Cette rhétorique simple voire simpliste se fracasse sur les faits. Exemple par l'Espagne.

La dette espagnole devrait augmenter d'une dizaine de points en cette année 2012 pour atteindre 80% du PIB. Valérie Pécresse n'a pas de gêne à estimer que "les marchés se trompent", car les mesures prises par l'Espagne vont faire en sorte de rétablir les finances publiques estime-t-elle. C'était à l'époque un déni de réalité complet. Mariano Rajoy venait d'annoncer des "mesures courageuses": une coupe de 50 milliards dans l'éducation et la santé, et ces mesures d'austérité draconiennes faisaient justement craindre aux marchés une plus grande récession encore de l'économie du pays. Pécresse avait simplement tout faux ou cherchait à déformer la réalité. 
Le premier enseignement est le suivant : les coupes budgétaires ou la fin de "la vie au-dessus de ses moyens" ne font pas descendre les taux. Le TSCG instaurant l'austérité ne sera pas suivi d'une diminution de la charge de la dette et ne nous protège pas.

Mais quelle était la réalité pour le pays de sa "vie au-dessus de ses moyens" ? La dette espagnole était plus faible que la dette française, bien plus faible. Seulement de 35.8% en 2008 avant l'explosion de la bulle immobilière. L'Etat-Providence espagnole aurait coûté 45 points de PIB en 4 ans ? La bulle a exposé et expose les banques espagnoles à des risques très importants et l'Etat espagnol, garant de ses banques, doit les soutenir mais éprouve les plus grandes difficultés à se financer. Il ne s'agit pas d'une crise de modèle social, comme il est souvent entendu, mais d'une crise bancaire. Un article du spécialiste de ces questions, François Leclerc, sur la crise bancaire.

Bref, la position de Nicolas Sarkozy est intenable et plusieurs dirigeants européens s'en éloignent aujourd'hui. Il est par contre hallucinant de voir comme la protection par/de l'Europe est devenue un argument de campagne, quelques mois après que le couple Sarkozy-Merkel ait coulé la Grèce. Triste solidarité européenne.
Pour rappel, le prêt à la Grèce a été accordé sous réserve de mesures d'austérité supplémentaires : baisse du salaire minimal de 22%, privatisations en cascades et fermetures de service public. Conditionnalité disions-nous.


Mais alors qu'apporte F. Hollande sur ce sujet ? 
Tout d'abord, rappelons que les sénateurs PS se sont abstenus lors de la ratification du MES. Grand début de lutte...
Par contre, le candidat socialiste a lui perçu que l'austérité n'amenait que la récession et donc demande à ce que le Traité prenne en compte la croissance.
Beaucoup de responsables européens se rallient derrière cette position. Mais deux visions de la croissance s'opposent. La première keynésienne, celle de Hollande, veut que l'Etat continue d'investir pour soutenir l'économie et non pas l'asphyxier. Pour cela, de nouveaux moyens de financement doivent être rendus possibles. La deuxième est libérale et dérégulatrice : la croissance est obligatoire mais ne sera rendue possible que par l'aide aux entreprises en rendant plus souple le marché de l'emploi (faciliter embauches et licenciements, baisse de charges, fin du CDI...).

Sur le fond de l'affaire, soyons clair, la position de F. Hollande de renégocier n'est pas satisfaisante. Vu son contenu, il n'y a rien à renégocier : la perte de souveraineté pour des organes non élues n'est pas concevable. De plus, le risque est grand de voir se répéter le précédent de Jospin en 1997. C'est ici que nous vous renvoyons vers le meilleur article de cette campagne, celui de Serge Halimi :
Bonne lecture

mercredi 25 avril 2012

Voter sans être pris pour un âne 1 : La Valeur Travail

Pendant cet entre-deux-tours, les candidats tentent de recueillir un électorat relativement large autour d'un discours de valeurs simpliste.
Ces billets tenteront de redonner quelques informations statistiques pour montrer l'inconséquence du discours face à la réalité. Une réalité qu'ils connaissent, bien sûr, mais en rester aux discours sur les valeurs permet de susciter l'approbation. Masquer la réalité revient tout de même un peu à nous prendre pour des ânes.
L'accent sera mis sur N. Sarkozy, champion du genre. Mais F. Hollande n'est pas exempt de tout reproche.

Et commençons par le "vrai travail". Expression que N. Sarkozy a bien utilisée.
Le travail est la valeur cardinale de la droite. L'esprit d'entreprise, le mérite de son salaire, l'ascension sociale par le travail sont des thèmes mobilisés par la droite gaulliste ou libérale et dans lesquelles l'électorat dans sa grande majorité se reconnaît. La gauche a, aussi dans un passé très proche, opposé travail et assistance (cf commentaire 1).
Mais quelle est la réalité du travail sous une présidence néolibérale ?

La mesure-phare ayant survécu de la loi TEPA reste la défiscalisation des heures supplémentaires. Le président-candidat continue de la défendre pendant cet entre-deux tours dans cet article hallucinant alors qu'il y a quelques mois, l'inutilité du dispositif semblait acceptée par le gouvernement.
L'idée est de séduire les électeurs sur la valeur travail même si le dispositif inutile coûte 4 milliards d'euros par an.

Ensuite, l'exemple allemand n'est pas ici mis en évidence. Les Allemands ont choisi face à la crise de diminuer le temps de travail par le Kurz Arbeit. Pour éviter les fermetures d'entreprises, le gouvernement allemand a encadré la diminution ponctuelle du temps de travail des entreprises. En fonction de la baisse des commandes, une entreprise baissait le temps de travail des salariés et le manque à gagner était combler par l'Etat.
Résultat : l'Allemagne a connu une baisse très importante de son PIB de 4.8% en 2009 pour une augmentation du nombre de demandeurs d'emplois de 200 000 individus. En France, un PIB à -2.3% pour 1.2 million de chômeurs en plus.
Et ce président stigmatise les chômeurs, l'assistanat ? Se dit défenseur du travail ?

Au passage, dans le modèle allemand, le temps de travail des salariés était avant la crise de 30.3 heures du fait de la multiplication des emplois à temps partiel. Précarisation donc qui a fait grimper le taux de pauvreté à 18% (contre 13% en France).

Source: 
Larrouturou, P., C'est plus grave que ce qu'on vous dit, mais on peut s'en sortir !, Nova editions, mars 2012

Pour ce qui est de la fiscalité, comment cette présidence a valorisé le travail ?

Alors même que les revenus des ménages les plus riches sont principalement des revenus du capital et non pas du travail, la gouvernance Sarkozy a un bilan fantastique sur le sujet. Non seulement, le quinquennat ne s'est pas attaqué à l'injustice du système fiscal, mais les hausses d'impôts sur les hauts revenus ont visé le travail, plutôt que le capital. 
Le discours sur le travail relaie l'idée que l'impôt limite le travail et est nuisible à tous, du grand patron à l'employé en passant par le petit entrepreneur. Il regroupe une population large sous la valeur travail alors que le néolibéralisme a fait explosé les inégalités de revenus et la fiscalité de ces acteurs .
L'impôt sur les bénéfices des grandes entreprises est de 18.6%, d'une PME de 39.5% et pour une société du CAC 40 : 3.8 %.

Source : Légé, P., Pour une nouvelle fiscalité, in Changer l'Economie, Les Economistes atterrés, janvier 2012.

Le problème a été "découvert" par le président et sera combattu lors du prochain quinquennat,s'il est élu. 

Dernier point, la protection des travailleurs. Le discours sarkozyste sur le temps de travail était relativement simple: "pourquoi imposer un temps de travail par la loi, alors que les accords par entreprise seraient plus efficaces et relèvent du dialogue social ?". Dans ce monde du travail idéalisé, encore faut-il des représentants des salariés au pouvoir fort. Mais la campagne s'est avérée un règlement de comptes contre les syndicats.
Comment dans ce contexte protéger le vrai travail ? Pas de loi cadre, des syndicats décrédibilisés, une inspection du travail aux effectifs en baisse ? Une politique extrêmement libérale qui en période de chômage important isole le salarié... Ces questions ne suscitent peu d'intérêt. Pourtant ces dernières années, l'Etat actionnaire a pu s'apercevoir que les politiques managériales de certaines entreprises où il est engagé: France Telecom, La Poste, Renault... ont montré toute leur inhumanité et donc le besoin fort de cadre pour les relations entre employeurs et salariés.


Nous ne sommes ici que dans le bilan d'une histoire très récente. Mais sur le fond, qui a spolié le travail ? Les fonctionnaires non remplacés, les retraités trop pensionnés, les assistés... Ou les structures du néolibéralisme, concurrence et finance actionnariale, qui opposent travailleurs entre eux au profit d'une minorité largement rétribuée. Nous verrons cela dans notre billet sur le coût du travail, mais en attendant, entendre le mot travail dans la bouche d'un néolibéral ne doit susciter, au mieux, que de la méfiance.

mardi 10 avril 2012

Notre école est suffisamment mal en point (1)

Le SNES, syndicat enseignant majoritaire dans le second degré, vient d'appeler à la défaite de Nicolas Sarkozy. Dans sa réaction à cet appel, le ministre de l'Education Nationale, en continuité au discours anti-syndical du président-candidat, veut faire croire à la politisation extrême des syndicats et des enseignants. Pourtant la réalité montre une dépolitisation massive des fonctionnaires de l'EN: un taux de syndicalisation en baisse, une mobilisation pour les journées d'action peu élevée... L'excuse de l'anti-sarkozysme primaire des profs ou de leur socialisme corporatiste ne vaut pas grand chose.
Non, ce coup de communication du SNES - c'en est tout de même un - est l'expression du rejet par la profession, non pas de la droite, mais des politiques menées par ce gouvernement depuis 5 ans.
Les enseignants font un amer double constat, pédagogique et corporatiste, d'une déliquescence de la qualité du service, des services, rendus aux élèves et d'une déconsidération de leurs statuts par leur ministère de tutelle.
Pour montrer que ce constat est fondé et ne constitue pas une lubie de fonctionnaires, paresseux, dépassés et hostiles au changement, nous passerons des chiffres aux exemples pour faire partager l'idée suivante aux parents, enseignants et citoyens: notre Ecole a été suffisamment mise à mal ces cinq dernières années ! 

 NB: Le tout en plusieurs parties, le bulletin scolaire du quinquennat mérite plus que quelques lignes...



1. Se justifier par la dette pour ne pas afficher ses choix

Avant cela, évacuons la question de la dette comme excuse répétée à toute mesure touchant l'Ecole.
Le non-remplacement de 15 000 fonctionnaires par an constitue une économie de 500 millions d'euros toutes charges comprises. Pour un chiffrage complet, ce lien donne les chiffres pour le maintien de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur 2, au collège et au lycée pour le prochain quinquennat.
500 millions pour 15 000 postes et Copé voudrait nous faire croire que la proposition de remettre 60 000 postes serait irresponsable.
La refonte de l'ISF avec suppression du bouclier fiscal a coûté 1.3 milliard par an. Il faut donc 4 années consécutives de suppression de 15 000 postes par an pour avoir un coût comparable total des 2 mesures : 0.5 + 1 + 1.5 + 2 milliards soit 60 000 postes. Si, si, faîtes le calcul.
Il s'agit donc d'un choix idéologique. Réduire la taille de l'Etat, le nombre de ses agents, le montant de ses impôts pour libérer l'économie: un vrai choix de doctrine néolibérale qui a pourtant montré toute son inefficacité, sa nuisibilité.
Mais le choix idéologique se confronte à la réalité de la classe. Pour assurer les cours devant nos élèves, les non-remplacements sont compensés par des embauches de contractuels ou des heures supplémentaires des titulaires. Conséquence, une augmentation du coût des heures supplémentaires (défiscalisées) de 120 à 150 millions d'euros par an. En 2009, pour 400 millions d'euros d'économie annoncés, la réalité de l'économie en fin d'année était de 140 millions d'euros. Pour être objectif, il faudrait parler de la "revalorisation" des enseignants de début de carrière, mais nous y reviendrons.


2. Le bilan des effectifs enseignants et élèves sur le quinquennat

Alors cette réalité ? Comment tourne la maison Education Nationale avec 10% d'effectifs en moins ?
Oui, 10%. 79 000 suppressions de postes sous la présidence Sarkozy, rentrée 2012 incluse, près de 100 000 depuis les débuts en la matière des gouvernements Villepin, pour un effectif de 850 000 enseignants.

Commençons par le plus gros mensonge de cette campagne: l'EN tourne bien puisque les effectifs élèves ont diminué. Enorme mensonge qui vaut à lui seul la pôle-position du bobaromètre. Heureusement que l'information citoyenne veille. Les déchiffreurs de l'Education dressent un tout autre bilan, bien mieux documenté, du quinquennat. Depuis 2007, les effectifs scolaires remontent, si bien qu'à chaque élève supplémentaire inscrit, les ministres Darcos et Chatel ont supprimé un poste d'enseignant !

Attardons-nous sur ce collectif des déchiffreurs de l'Education qui montre à lui seul le climat délétère de la maison EN. Ce collectif, en conflit ouvert avec le ministère, fustige "le blocage des statistiques réalisées par les professionnels de la statistique publique", le rôle de juge et parti des ministres qui mettent en avant leur propre outil statistique d'évaluation de leur politique ou... font appel à des organismes privés pour boycotter les services publics compétents ! Rien que ça et ce collectif regroupe les principaux syndicats des instituteurs, des professeurs et des chefs d'établissement (!), plus des chercheurs en sciences de l'éducation, des responsables en statistiques publiques mais aussi... la FCPE, principale fédération de parents d'élèves, la Ligue de l'Enseignement. L'unanimité contre soi, le ministère s'en approche.

Moins de profs, plus d'élèves... donc les effectifs par classe augmentent. Dans ce domaine, nous avions peu de marge: le taux d'encadrement des élèves en France est le plus faible de l'OCDE ! Dans la moyenne pour les collèges et lycées, la France est complètement larguée pour le primaire. Un enseignant pour 19.9 élèves contre 14 et 12 en Finlande et en Suède en 2010.


lundi 9 avril 2012

Notre Ecole est suffisamment mal en point (2)

Après s'être étendu sur les effectifs scolaires et enseignants sur ce quinquennat dans le billet 1, les résultats dans cette deuxième partie.
 
3. Quels résultats pour ce niveau d'encadrement ? 

Un encadrement moindre mais pour quels résultats ? Chaque année, le ministère se félicite de la progression des réussites au baccalauréat. Dans les enquêtes internationales, bizarrement, les résultats sont passables et plutôt en baisse; autour du 25ème rang (sur 36) des pays de l'OCDE selon les items : lecture, culture scientifique, culture mathématique. La grande particularité du système scolaire français reste la proportion importante d'élèves en difficulté (20% en 2009, +5% par rapport à 2000) et les inégalités face à l'école. Pour ce dernier point, l'étude PISA met en place une comparaison précise : les résultats du quart des enfants les plus favorisés du pays, sur les plans économique, culturel et social, sont comparés avec le quart le moins favorisé, et les écarts entre les 2 sont classés pour chacun des 36 pays. La France arrive avant-dernière.

La question qui se pose alors est de savoir quelle a été la prise en charge des élèves en difficulté ces dernières années.
Dans le secondaire, la logique choisie a été de fermer les dispositifs spécifiques (3ème insertion, basée sur l'alternance, et 4ème aide et soutien à effectif allégé) et de les remplacer par des heures de soutien ciblées ou de mettre en place des projets individualisés. Sur le fond, pourquoi pas, sauf que si les effectifs des classes, dans lesquelles les élèves en difficulté sont maintenus la plupart du temps scolaire, augmentent, leur prise en charge globale ne s'améliore guère. Sur les financements, interrogée un jour pour savoir si les moyens en projets individualisés étaient aussi importants que l'argent auparavant consacré aux dispositifs spécifiques, l'inspection académique d'un département de l'Ouest n'était pas capable de répondre aux enseignants.
Au primaire, les enseignants spécialisés dans l'aide aux élèves en difficulté, les RASED ont vu leur effectif diminuer des deux-tiers, si bien que les survivants ont l'impression de passer leur temps à aller d'une école à une autre dans un réseau toujours élargi.
Parallèlement, la loi sur le handicap a permis l'accueil d'élèves handicapés en établissement scolaire, près de leur domicile. Très bien, mais dans le même temps, l'Etat supprime par milliers des postes d'auxiliaire de vie scolaire, personnels chargés spécifiquement de l'accueil de ces élèves; 5000 selon TF1 en 2011.  En conséquence, des élèves relevant du handicap se retrouvent sans accompagnement spécifique en classe pendant que les établissements médico-sociaux subissent fermeture et suppression de postes. Les enseignants de SEGPA (section d'enseignement général et professionnel adapté) constatent ainsi une modification sans précédent de leur public ces dernières années; les élèves relevant du handicap (déclaré, reconnu) occupent une proportion très élevée des classes, parfois plus de la moitié et les élèves en difficulté scolaire, faute de place en SEGPA, restent au collège unique suivre des scolarités chaotiques.


dimanche 8 avril 2012

Notre Ecole est suffisamment mal en point (3)

Dernière partie après les résultats et l'aide aux élèves en difficulté, les sujets de discorde

4.  "Passer d'une logique de moyens à une logique de qualité":  
le discours politique qui rend fou

Un fonctionnement bien difficile donc. Mais de l'extérieur, les débats entre professionnels de l'éducation et responsables politiques peuvent être compris  comme des dialogues de sourds entre les uns réclamant plus de moyens, et les autres répondant que l'important est de changer de méthodes jugées "dépassées, obsolètes".
Donc deux questions pour finir le côté pédagogique de notre bilan:
- est-ce que nos moyens, nos coûts de scolarité sont si élevés ? Nos enseignants sont-ils si nuls s'ils coûtent cher pour de si piètres résultats ?
- Enfin, la question des méthodes, mais là, ne prenons pas de gants : comment le ministère peut aujourd'hui faire croire qu'il s'intéresse à la question des méthodes, à la qualité des cours donnés aux élèves ?

4.1 Des coûts d'enseignement faibles

Pour la première, citons mot pour mot Claude Lelièvre, historien de l'éducation:
Lelièvre, C., PISA: La France championne des résultats inégalitaires, Blog EducPros, Décembre 2010

"Selon les données de l’OCDE datant aussi de l’année 2006, la France se caractérise pour l’enseignement primaire par un coût salarial par élève (1625 dollars) nettement plus faible que dans la moyenne de l’OCDE: elle est en 25° position pour 30 pays. L’écart par rapport à cette moyenne (-637 $) s’explique par des facteurs de sens divergent : un salaire des enseignants plus faible (-256 $), un temps d’enseignement assuré par les enseignants plus élevé (-257 $), une taille des classes plus importante (-394 $), et, en sens inverse, un temps d’instruction des élèves plus long (+ 270 $)".
Nous noterons donc que les instituteurs français sont moins bien payés, pour un temps devant les élèves plus long et des effectifs par classe plus importants. En 2006 ! Nous comptons 79 000 postes en moins depuis.
Au collège, le coût salarial par élève en France (2392 dollars) reste inférieur à la moyenne de 526 dollars : la France se situe en 22° position.
Le temps d'enseignement moindre compense l'écart de salaire. Un autre lien pour aller plus loin dans les comparaisons de  salaires enseignants. 
Bref, au final, nous obtenons des résultats dignes du 25ème rang de l'OCDE pour un investissement proche du 25ème rang. Pas de quoi pavoiser, ni crier au loup. Notons que le coût salarial ne couvre pas les coûts totaux (fonctionnement des établissements, administration...) et, il serait intéressant d'ajouter au coût global le manque à gagner fiscal accordé à la déduction des cours à domicile. 300 millions ?

Mais "les moyens ne sont pas le problème, il faut changer les méthodes". Ce discours trop souvent entendu devrait pourtant être intenable par le ministère étant donné son désintérêt profond pour les questions de l'enseignement et la réalité de sa gestion des personnels.

4.2 La pratique des rectorats pour une qualité d'enseignement: 
Un adulte devant les élèves

Le non-remplacement des titulaires engendre un appel massif à des contractuels et vacataires. Le ministère ne donne pas de chiffres actualisés du nombre de ses non-titulaires. Ils seraient toujours 20 000. Chez les personnels de direction, en première ligne pour gérer la pénurie, le chiffre qui circule fait plutôt état de 60 000 embauches de non-titulaires pour parer les 100 000 postes non remplacés.
Les rectorats recrutent comme ils peuvent des titulaires d'une licence universitaire; une licence scientifique, par exemple, suffit pour enseigner mathématiques, sciences physiques ou SVT.
Il n'y a alors aucune considération pour la qualité de l'enseignement, la seule logique des rectorats est de mettre un adulte devant les élèves.
Mais à 1500 euros nets par mois, les prétendants sont peu nombreux, le recrutement s'élargit et les petites histoires se multiplient : vacataire en français non latiniste enseignant le latin, établissement comptant 10 contractuels sur 40 enseignants, élèves de 1ère sans profs de français pendant 3 mois, rentrée du prof de maths en novembre, recrutement d'un ingénieur retraité en technologie tenant des propos racistes, prof d'allemand schizophrène, spécialiste en forage pétrolier professeur de SVT en difficulté ... Les commentaires sont les bienvenus pour enrichir cette partie petites histoires.
Le ministère pousse le vice encore plus loin en maintenant en situation précaire les non-titulaires compétents qu'il réemploie année après année. Premièrement, les concours de recrutement internes, réservés aux contractuels pour passer titulaires, ont été fermés plusieurs années et le sont encore parfois alors que le nombre de candidats potentiels explose. Deuxièmement, pour éviter les procès aux prud'hommes pour multiplication de contrats, certains rectorats signent en CDI les non-titulaires, ayant exercé plus de 6 ans. Toujours au même salaire, disponible pour enseigner sur tout le département.

4.3 Des réformes pour l'efficacité du système ?

Ensuite, deux réformes marquent encore un peu plus le désintérêt complet pour cette question de la qualité de l'enseignement.
La première, la réforme de l'entrée dans le métier des néo-titulaires. Précédemment, lors de la première année, les nouveaux enseignants bénéficiaient d'un service à mi-temps, d'un temps important de formation en IUFM et du soutien d'un tuteur. Désormais à temps plein,  les néo-titulaires sont confrontés à leurs classes avec une formation d'accompagnement très légère, et le soutien d'un tuteur, au statut peu enviable et peu recherché, est souvent hypothétique (tuteur dans un autre établissement ou nommé bien après la rentrée). La qualité de l'enseignement reçu par les élèves des néo-titulaires en difficulté ne semble inquiétée personne au ministère, qui ne communique pas non plus sur l'évolution des démissions de ces jeunes enseignants depuis la réforme. L'inspection de l'académie de Créteil a mis en avant un taux de démission de 22% en 2010. D'autres inspections ne publient pas ce décompte et préfèrent encourager par lettre écrite certains jeunes enseignants en difficulté à démissionner.
La deuxième, la réforme de l'évaluation des enseignants. La reconnaissance de la compétence est un problème, si ce n'est le problème de gestion des ressources humaines dans la maison EN. Précédemment, l'évaluation des enseignants était calamiteuse du fait du passage trop peu fréquent des inspecteurs, spécialisés dans la discipline. Leur nombre en chute libre, le passage des inspecteurs s'est fait encore moins fréquent ces dernières années; dans certaines académies, des enseignants du secondaire ne voient personne en 10 ans. L'évaluation en parallèle par le chef d'établissement, de l'engagement hors classe, était marginale (peu de liberté laissée dans la notation).  Mais pour régler le problème, l'évaluation des enseignants se ferait désormais par le chef d'établissement uniquement, sous les conseils de l'inspecteur. Un chef d'établissement  n'a pas compétence pédagogique sur l'ensemble des disciplines. L'enseignant sera donc évalué sur son activité en dehors de la classe, les projets menés, son autorité globale mais pas sur les apprentissages des élèves.
Qui peut dire que ces réformes vont permettre une remise en cause des méthodes enseignantes ? Comment peut-on affirmer se soucier de la qualité de l'enseignement ?


5. Quelques mots sur le statut des enseignants

Quelques informations sur ce point avant de conclure. Le salaire des enseignants certifiés ou des professeurs des écoles reste modeste, mais cela n'a pas empêché le ministère de réaliser une communication sur la revalorisation des enseignants. Sans problème, Luc Chatel a comparé des salaires de néo-titulaires à temps plein à Bac+5 avec ceux de l'an dernier à mi-temps à Bac+4.
Soulé V., Luc Chatel, Le Père Noël et les 2000 euros, C'est Classe, Blog Libé 
La réalité aujourd'hui est que instituteurs et certifiés mettent toujours aujourd'hui 10 ans de carrière, pour toucher 2000 euros nets.
Ajoutez à cela l'augmentation de la cotisation sur les retraites et le gel du point d'indice depuis 2 ans pour comprendre que la stratégie viable choisie par nombre d'enseignants consiste à prendre des heures supplémentaires. On peut même affirmer que la gestion des personnels par le ministère les invite même à prendre des heures, beaucoup d'heures, quitte à les bâcler, puisque tout le monde s'en fiche.



En conclusion, notre Ecole est tellement mise à mal aujourd'hui que pour nombre d'enseignants les débats actuels dans les médias entre républicains (pro-savoirs) et pédagogues (pro-développement de l'enfant), ou sur le partage des responsabilités entre parents et enseignants, sont d'une inutilité néfaste. Le matraquage que subit l'Ecole ces dernières années devrait mettre au placard ces querelles de second ordre et fédérer les acteurs pour remettre dans le bon sens cette institution républicaine.
Et dernièrement, de quoi est victime notre Ecole finalement si ce n'est d'un néolibéralisme inefficace et dogmatique ? Celui-là même qui conduit aujourd'hui à une distribution des revenus et à une fiscalité immorales, à un accès au logement impossible, à la mise en difficulté d'Etats souverains, à la succession de crises financières, à la mise en concurrence des travailleurs de pays de niveaux de vie incomparables...

jeudi 5 avril 2012

32 propositions sans rire

Alors ce programme de N. Sarkozy que nous attendions depuis fort longtemps, détaillons-le :

- 2 mesures de vie politique : avec une orientation claire anti-élite (référendum et moins de députés).
- des mesures économiques (7): 2 protectionnistes, 3 pour la baisse du cout du travail et 2 pour la hausse du niveau de vie : c'est bien ce dont tout le monde pouvait s'apercevoir; il est complètement perdu sur le sujet. Protectionnisme dans une Europe néolibérale qu'il a construite ardemment, baisser le cout du travail mais augmenter les salaires pour notre compétitivité...
- 1 mesure à moitié économique, bizarre, difficilement classable: la banque de la jeunesse
- une énorme catégorie Morale (9): il faut lutter contre les profiteurs; 2 mesures contre l'assistanat, 2 contre les profiteurs d'une justice trop laxiste, 3 contre l'immigration et 2 pour permettre aux honnêtes gens de se débarrasser d'une administration trop pointilleuse. Les honnêtes gens contre les profiteurs. Le néant économique tente d'être masqué par un discours moral se voulant mobilisateur. Bref, tout cela rappelle étrangement Thomas Frank, Pourquoi les pauvres votent à droite, et montre que l'enfumage présidentiel est toujours de mise

- Pour continuer de défendre les honnêtes gens, 3 mesures type famille : crèche, dépendance, accueil handicap
- Puis 3 inclassables: banlieue, santé, énergie...

En conclusion, un discours de droite, très moral, mais perdu sur le plan économique entre néolibéralisme et protectionnisme et qui nous amène à reprendre Serge Halimi qui décrivait, dans la préface du livre de Thomas Frank, la campagne de Sakozy en 2007:
"C'est là une vieille recette de la droite: pour ne pas avoir à s'étendre sur la question des intérêts (économiques) - ce qui est sage quand on défend ceux d'une minorité de la population -, il faut se montrer intarissable sur le thème des valeurs, de la "culture" et des postures: ordre, autorité, travail, mérite, moralité, famille."

vendredi 30 mars 2012

Nouvelles maliennes 2

Pour la deuxième fois, nous laissons la parole : Chronique d'un habitant de Bamako 2
Partie 1
Comme prévu, les présidents qui devaient venir restaurer l'ex-président n'ont pas pu atterrir à Bamako à cause de l'occupation de l'aéroport par les manifestants pro putsch. Ensuite, ces manifestants se sont dirigés vers la Bourse du travail pour un affrontement avec les anti-putsch. Beaucoup de blessures et d’arrestations dans les rangs des anti.
Le mal redouté est donc finalement arrivé, car un affrontement entre ces deux camps peut laisser la place à un autre putsch ou à une éternisation des putschistes au pouvoir.
Il faut savoir que les 5 présidents qui devaient venir, n'avaient pour but que d'installer l'ex-président à coup de menaces d'une intervention militaire de leur pays respectif pour imposer ce retour. L'ex-président a profité de leur arrivée pour réapparaître dans les médias et à dire qu'il n'a jamais été arrêté. Tout le monde s'attendait à son apparition publique aujourd'hui avec l'arrivée de ses anciens homologues.

Je crois que cette grande partie du peuple conduite par les pro-putsch a profité des manifestations du jour pour donner un message à l'ex-président et aux autres présidents: leur faire entendre la voix du peuple après celle des putschistes. Ces 5 présidents contestés dans leur propres pays, vont revoir leur copie en incluant des rencontres avec le peuple à leur arrivée ici, pour une autre mission. Mais au lieu de comprendre ce message du peuple, ce soir, ils viennent de lancer un ultimatum: dans 72 heures, le Mali sera sous embargo si les putschistes ne rendent pas le pouvoir.
Une grande partie du peuple préfère affronter cet embargo plutôt que de laisser encore le Mali, dans les mains de l'ex-président ou de ces partis politiques qui ont pillé le Mali.

Pour la petite histoire, sachez qu'ici parmi les partis qui sont contre le putsch et qui veulent reprendre les  affaire en main, les candidats aux élections présidentielles  ont annoncé 4 à 8 milliards de francs CFA pour leur budget de campagne; plus de 40 véhicules 4x4 appartenant à l'état ont été découverts cachés dans les champs d'un des candidats! D'où viennent ces sommes? Comment peut-on vouloir dépenser toute cette fortune dans un pays menacé par la famine à cause d'une saison de pluies désastreuse ? Le peuple malien peut-il accepter que des gens pareils puissent diriger une transition ? En gros, les maliens rêvent de changement et sont prêts à endurer des souffrances pour que ce changement puisse se faire... 

Partie 2
Journée calme ce vendredi. A partir de lundi, toutes les frontières du Mali seront fermées selon les mesures des présidents de l'Afrique de l'ouest.
La ville est calme, la junte reprend la main, aucune manifestation n'est permise. Le chef de la junte a appelé le monde au secours du Mali, car une seconde grande ville du nord vient de tomber aux mains de la rébellion grâce à une alliance avec ACMI, qui ne se cache plus pour aider la rébellion. Les putschistes ont aussi présentés leurs excuses et les excuses du peuple malien à la CEDEAO pour avoir empêché les présidents de venir hier. Un peu de panique à Bamako où les gens font leur provisions car  si jamais lundi, les frontières sont fermées, tous les prix vont monter.
Les banques permettent aux gens de faire leur opérations avant lundi, car la banque centrale des états de l'Afrique de l'ouest va couper les vivres dès lundi, paralysant toutes les banques.
Il fait très climatiquement et très socialement chaud, mais tant qu'il ya la vie, il ya l'espoir!

mercredi 28 mars 2012

Nouvelles du Mali

S'informer sur la situation malienne n'est pas facile, oubliée entre campagne présidentielle, affaires et autres conflits internationaux.
Voici le courrier d'un ami malien décrivant la situation. 

"Mes chers amis, chers amis du Mali, je vous sais tous soucieux de ce qui se passe au Mali. Je tiens à vous dire qu’en ce moment l'espoir a laissé la place au doute et à l'angoisse.

Je vous envoie ce message au moment où tout à l'heure, le président renversé vient d'appeler les médias français pour leur dire qu'il est au Mali, qu'il va bien, qu'il est libre et qu'il n'a jamais été arrêté par les putschistes. Cet appel téléphonique n'est pas fortuit, car demain, 5 présidents de l'Afrique de l'ouest viennent au Mali demander aux putschistes de laisser la place à ATT (le président Touré) ou au président de l'assemblée nationale, afin d'un retour rapide à l'ordre constitutionnel.

Au niveau social la tension est très vive, pas de salaires, pas d'opérations bancaires car la banque centrale des états de l'Afrique de l’ouest veut utiliser son arme consistant à couper les vivres afin d’asphyxier les putschistes. Entre les putschistes et le peuple, qui souffrira le plus?????
Aujourd'hui des divisions inquiétantes ont commencé à se faire voir au sein du peuple entre pro et anti-putsch. Les pro-putch ont fait leur démonstration dans les rues de Bamako en mobilisant beaucoup, beaucoup de gens. Les anti veulent aller demain à l'aéroport pour applaudir les 5 présidents et les  pro se sont aussi donnés rendez-vous là bas. Le peuple va se casser la gueule à la face du monde à l'aéroport demain, car les pro jurent d’empêcher les présidents d’atterrir.

Les putschistes veulent accueillir les présidents tandis que leurs sympathisants sont contre. Que vont faire ces putschistes demain ????
Si vous voulez savoir mon avis personnel, je vous le dis.
Les pro-putsch sont dirigés par des gens qui ont hâte d’accéder au pouvoir pour avoir leur part du gâteau, eux pensent que c’est leur heure qui a sonné. Les anti-putsch sont dirigés par des gens qui ont tous les mains sales, car comptables de la situation actuelle. Ils ont tous dirigé le pays et ont tous des affaires de détournement de fond à leur nom donc, eux savent qu’en quittant le pouvoir ils courrent le risque d’être poursuivis par la justice. Avec leur richesse, c’est l’un d'eux qui gagnera encore aux présidentielles pour couvrir encore ces affaires de détournements.
 
Je n'ai pas lu de motion de soutien à la télé en faveur des putschistes comme c'est la mode actuellement, je ne participerai à aucune manif même si je tire les pots cassés du putsch car je n'ai pas accès à mon salaire, ni à mon compte bancaire comme tout le monde, mais je tiens à vous faire savoir que ce putsch est le reflet d'un sentiment généralisé au Mali. Il reflète l'état d'âme du maximum des maliens excédés par l'humiliation que des rebelles faisaient subir à une armée nationale qui abandonnait de jour en jour des parties du Mali.
Des pères, des frères de l'armée mourraient ou étaient égorgés tous les jours, leurs familles ne sont pas informées, on cachait tout. Les femmes de militaires ont manifesté à Bamako, elles ont été reçues par le président. Les femmes ont toutes dit au président leur désaccord avec lui, tout le peuple malien a soutenu ces femmes, le président avait reconnu toutes ces fautes: le manque de communication, le manque d'armement adéquat, le manque de nourriture. Il avait promis de tout remettre en ordre. C'est après tout cela que l'armée a commencé à replier, à abandonner des parties du territoire .Aujourd'hui plusieurs groupes d'auto-défense de jeunes défendent leur village à cause de l'abandon de l'armée.  En gros tout le peuple en voulait à ce président qui était coupé de son peuple. Tous les jours des gens manifestaient dans les rues, il ne disait rien le président. Je ne vous parle de la corruption flagrante: pour accéder à l’armée, paye au moins 500 000, à la douane pour accéder tu payes 7 000 000, pour accéder à la fonction publique paye autant. Dans les quartiers, que font les maires des espaces publics ? Aucune autorité ne soutient le mouvement citoyen des jeunes qui dénoncent cette situation

Savez-vous que depuis plus de 2 mois, aucun membre de la famille du président ne vit au Mali ? Ils sont au Maroc, n'était-il pas au courant de ce qu'ils risquaient après tout?
Tout le peuple malien est au courant que, en fait, au départ c'était une simple mutinerie. Ces jeunes putschistes n'étaient pas préparés pour un putsch, mais la situation était telle qu'en sentant la mutinerie, le président a fui son palais et les putschistes ont finalement transformé la mutinerie en putsch car ils  n'ont eu aucune résistance: tout le monde s'est mis à l'abri.
On dit que les élections étaient dans 5 semaines alors que la loi électorale dit que les élections présidentielles doivent se tenir sur l'ensemble du territoire en toute liberté. Etait-il possible de faire des élections alors que plus de 500 000 maliens sont réfugiés dans les pays limitrophes ? Alors que plus de 50 pour 100 du territoire est dans les mains de ACMI et des rebelles ? Avant le putsch, les rumeurs de ce report des élections circulaient déjà.

A mon vis ce putsch a servi à arrêter l'hémorragie et à redorer le blason, l'honneur et la dignité du peuple malien et de l'armée malienne. Nous tous, fiers  au Mali d’être des descendants des rois maliens qui ont défendu le Mali contre tout et qui ont toujours dit plutôt la mort que la honte face à l’ennemi, nous avons leur sang qui coule dans nos veines, c'est ce que ces jeunes militaires ont restauré.
Comme moi beaucoup de maliens vont vouloir que ces jeunes acceptent de retourner dans leur camp pour gérer les menaces d'ACMI et la rébellion et laisser la place au président de l'assemblée nationale. Leur action a permis de faire prendre conscience aux pays qui, avec hypocrisie, laissaient les rebelles aller se ravitailler ou se réfugier chez eux, que maintenant ils savent que ACMI et les rebelles peuvent menacer leur pouvoir. Chaque pays va aider le Mali et être plus sincère et conscient de la situation.
Je suis donc conscient qu’il faut un retour à un ordre constitutionnel pour que tous les partenaires  reviennent avec tout leur financement, afin d’aider le Mali à s’en sortir car tout les financements à l’état et aux organisations sont arrêtés de nos jours. Le peuple ne pourra pas tenir le coup, les putschistes comprendront ces enjeux et regagneront leur camp, c’est mon plus grand souhait.


En empruntant l’expression d'un ami, je dirai aussi que demain jeudi sera un jour décisif dans l’histoire du Mali.
On est en mois de mars, nous traversons notre période de canicule, aujourd’hui le vent est chaud, le temps couvert d’un nuage de poussière rouge depuis ce matin, je suis loin d’être superstitieux mais c’est un temps qui n’arrange pas un moral déjà si bas !
Priez pour le Mali !
Croisez vos doigts pour le Mali !"

mercredi 21 mars 2012

N'avoir honte de rien

Cette campagne présidentielle semble irréelle.
Elle marque un regain d'intérêt des Français sur les questions économiques et les candidats prétendent pouvoir y répondre sans considération pour leur action passée, leurs anciens engagements, leur marque idéologique...
Irréelle, oui, chaque candidat semble pouvoir dire tout et n'importe quoi, mentir sur les chiffres, stigmatiser certains groupes sociaux, affirmer l'inverse de ce qu'il a dit ou fait dans le passé, sans honte, sans gêne, mais aussi sans se voir remettre véritablement en cause par nombre de médias à la mémoire courte et à l'analyse légère.
De sorte que la réaction du citoyen informé se décline en 3 phrases :
- "Comment peut-il/elle dire ça ? N'ont-ils honte de rien ?"
- "Personne ne va gober ça, j'espère"
- "Ils nous prennent vraiment pour des cons", le "Ils" regroupant ici élites médiatique et politique.

Bref, petit tour d'horizon de déclarations ou de projets de mesures remises dans leur contexte pour lesquelles, à leur lecture, ces 3 phrases risquent de revenir en boucle.


Vous l'aviez anticipé, le chef de l'Etat tient ici la corde. Largement en tête du Bobaromètre tenu par des journalistes de Libération, N. Sarkozy semble nous prendre pour des poissons rouges.


Premier élément, il proposait il y a quelques jours une taxation des Français exilés fiscaux. Magnifique.
En 2007, Sarkozy avait fait campagne sur le taux de prélèvements qui faisait fuir les talents de France : comprendre les grandes fortunes. Nous avons encore en mémoire les déclarations de C. Lagarde sur les évadés de la Gare du Nord. A l'époque, la richesse était le fruit du travail et l'impôt une lubie de bobos.
Perrault, G., Lagarde évalue le paquet fiscal à 13.6 milliards, Le Figaro.fr, juillet 2007.


L'évadé fiscal est donc passé du statut de victime à celui d'imposteur moral dans le discours sarkozyste. Nous trouverons sans doute, aujourd'hui, un responsable UMP pour réévaluer le coût du paquet fiscal à la baisse.

Mais le plus drôle reste tout de même cette nouvelle posture sur l'Europe ; nous avons besoin "d'une Europe qui protège."
Après un quinquennat d'alignement sur l'ordolibéralisme allemand, d'exigences de mesures radicales concernant le peuple grec notamment, après avoir fait passer en force le Traité Constitutionnel Européen qui voue aux gémonies toute idée de protectionnisme, en voilà un beau discours.
Mais pouvons-nous y voir un changement de cap à 180° ? Une table rase du passé pour un nouveau quinquennat plus... progressiste ?
Même pas. Car dans le même temps, N. Sarkozy a signé et oeuvre maintenant à la ratification parlementaire du Mécanisme Européen de Stabilité et du Traité sur la stabilité, la convergence et la gouvernance dans l'Union.
Pour faire court, le MES est un fonds monétaire européen, ratifié en février par nos 2 assemblées, qui s'inscrit dans le cadre plus large du TSCG, signé par le chef de l'Etat lors du sommet européen du 2 mars, pour une ratification parlementaire après les élections.

Alors que disent ces textes ?
Le TSTG indique, Article 3, que la règle des 3% de déficit budgétaire passe à 0.5% de déficit structurel; notion plus floue.
Article 4 : Une dette dépassant les 60% du PIB doit être combattue par une réduction de 5% par an. Pour donner un ordre d'idée, sur le budget 2011, 80 milliards d'économie seraient demandées pour rembourser le capital de 5%, en plus des intérêts de la dette accumulée (50 milliards cette année). Impossible.
Mais ces règles devront être "opérantes dans la législation nationale par des dispositions de caractère contraignant et de nature permanente, de préférence au niveau de la Constitution." Article 3. Très bien. Tant qu'à faire.
Le MES indique que la Commission Européenne, avisée des conseils de la BCE et du FMI, décide du déblocage des prêts aux pays en difficulté, tout en définissant la "conditionnalité", c'est-à-dire les mesures concrètes exigées en échange du prêt pour la remise en ordre des budgets nationaux. Le texte parle de programme d'ajustement macroéconomique. Ce mot ajustement donne encore des sueurs froides à toutes les pays en développement victimes du FMI (Burkina-Faso, Ethiopie, Equateur...)

Bref, là où la crise actuelle devrait nous amener à revoir les moyens de financement des dettes publiques européennes, N. Sarkozy affirme nous protéger en durcissant les règles budgétaires et en abandonnant une partie de notre souveraineté au profit d'une institution non démocratiquement élue, ultra-libérale depuis sa mise en place. N'avoir honte de rien, disions-nous ?
Pour rappel, le nouveau prêt à la Grèce sera accordé sous réserve de mesures d'austérité supplémentaires : baisse du salaire minimal de 22%, privatisations en cascades et fermetures de service public. Voilà ce que veut dire aujourd'hui une conditionnalité en vue de l'obtention d'un prêt par la Commission Européenne.
La Grèce, première colonie de l'Europe, A qui le tour, Site du CADTM, mars 2012


Mais ne soyons pas plus anti-sarkozystes que de raison (sic)... Si F. Hollande souhaite renégocier le traité s'il est élu, les sénateurs PS se sont abstenus lors de la ratification du MES. Grand début de lutte...

Puis vient l'acharnement légitime des politiques à maintenir en France nos usines. Toujours après des décennies d'ouverture à la concurrence, de libre-échange, de libre circulation des capitaux. Grande hypocrisie.
Mais alors le sketch Lejaby a atteint des sommets dans ce domaine !
Laurent Wauquiez, ministre et élu de Haute-Loire, se réjouit de la reprise de l'entreprise par un sous-traitant du groupe LVMH dirigé par Bernard Arnault. Le Monde applaudit .
L'émission "Là-bas si j'y suis" rappelle à quel point le groupe de la première fortune française œuvre à la sauvegarde de l'emploi national. Loin de toute recherche de moins-disance sociale et salariale.
Exemple: les costumes Kenzo du groupe LVMH ne sont plus produits en France. La première délocalisation a amené la production en Pologne, les salariées françaises à 1100 euros remplacées par des polonaises à 250 euros; une deuxième désormais en Bulgarie, l'usine polonaise est fermée, les ouvrières bulgares travaillent pour 150 euros par mois.
Saint Bernard Arnault, notre sauveur si modeste, Là-bas si j'y suis, France Inter, mars 2012

A Florange, il a fallu l'intervention du chef de l'Etat pour obtenir les financements nécessaires à la reprise de l'activité des hauts-fourneaux (500 salariés, 2300 pour l'ensemble de l'aciérie); à en croire certains commentaires, nous devrions nous réjouir de ce "geste" de Lakshmi Mittal. Notre président est toutefois passé bien après le wedding planner de la fille de M. Mittal, qui lui, a obtenu 55 millions, sans présenter de retour sur investissement réaliste.
Il faut vraiment nous prendre pour des abrutis pour ne pas nous donner à voir sur ce point précis autre chose que l'échec total du néolibéralisme: distribution des richesses écoeurante, transfert de pouvoir du politique au capital, paupérisation et mise en concurrence déloyale des classes ouvrières des pays industrialisés...


Mais nos élites politiques et économiques ne sont pas les seuls à s'activer, dans ce qu'on pourrait appeler une entreprise massive de foutage de gueule.
Extraordinaire, par exemple, comment nos journalistes enferment le débat de la dette publique. Le service public, pour recevoir les candidats à la présidentielle, fait appel à 2 acteurs de médias privés (sic) : François Lenglet, directeur de BFM Business,et Franz-Olivier Giesbert, auteur d'un livre corrosif sur N. Sarkozy et directeur du Point.
Face à François Hollande, les deux experts expliquent sans sourciller qu'il n'y a pas d'autre solution plausible pour lutter contre la dette que la réduction des dépenses.

Lenglais, à grand coup de chiffres contestés sur la part des dépenses dans le PIB, développe un point de vue néolibéral classique, le faisant passer pour une expression de bon sens : "les autres pays l'ont fait !" Il ne nous parlera donc pas des choix faits par l'Islande l'an dernier ou de ceux de l'Argentine en 2002. Préférons le très conservateur Canada

Lenglais ne nous parlera pas, non plus, de la dernière étude sur la consommation de soins et de biens médicaux des Français réalisés par l'OMS (cf également cet article précédemment cité sur le blog). Celle-ci place désormais la France au 7ème rang mondial pour son système de santé; 1er en 2000, 1er européen en 2006. Belle rétrogradation donc, alors même que le rapport de l'institution indique que la part de notre richesse consacrée à notre santé a augmenté et que la part de remboursement, par l'assurance-maladie des soins de santé ordinaires, a fortement chuté de 71% en 2005 à 50% en 2010.
Jourdaa, F., Sécu, retraites : comment sauver notre modèle social ?, Journal Ouest-France, mars 2012

Bref, à mesure que nous réduisons la prise en charge publique des dépenses de santé, nous augmentons le coût total de notre facture santé, pour un service global de moins bonne qualité. Fou, non ?

Ne nous attardons pas sur Giesbert, dont l'acharnement anti-sarkozyste peut séduire, mais rions un peu avec le Point pour comprendre à qui fait appel le service public pour analyser la campagne. Pour cela, relisons Claude Imbert, éditorialiste inamovible du magazine, lors de la mise en place de la monnaie commune.
Attention littérature néolibérale de haut-vol !
"En France, pays où les moins assistés des chômeurs sont mieux lotis que la majorité des travailleurs du monde, l'an neuf nous accueille avec l'euro (...). C'est depuis longtemps la meilleure nouvelle ! (...) L'harmonisation progressive que l'euro imposera devrait nous être propice: comme nos prélèvements sont les plus lourds et notre socialisme le plus corsé, toute potion médiane devrait d'abord alléger nos charges."
Imbert, C., Editorial, Le Point, décembre 1998.
Comme c'est beau. Lire du Claude Imbert aura forgé à jamais des dizaines de vocations altermondialistes.


Nous en revenons ici au film/livre "Les Nouveaux Chiens de Garde" ayant démontré le quasi-verrouillage des médias de masse par la pensée néolibérale. L'autre idée-force du film réside dans la mise en évidence des conflits d'intérêts auxquels s'exposent nos experts économiques, présentés comme éclairés et indépendants sur nos plateaux-télé, jamais comme lobbyistes du système bancaire. Certains le sont pourtant.
L'article de Renaud Lambert sur ce sujet est éclairant et la multitude d'exemples interpelle.
Lambert, R., Les économistes à gages sur la sellette, Le Monde Diplomatique, mars 2012

Reprenons seulement le cas de Jean-Hervé Lorenzi toujours présenté comme président du Cercle des Economistes pour parler bourse et économie, sur RTL et Europe 1, immobilier dans Les Echos et conseils de campagne au QG de François Hollande. Tout cela sans jamais mentionner ses fonctions de membre du conseil d'administration des Pages Jaunes, d'EDF, d'Associés en Finance, de BNP Paribas Assurances, de l'Association Française des Opérateurs Mobiles, ou membre du conseil de surveillance de BVA ou de la compagnie financière Saint-Honoré, ou encore conseiller du directoire de la Banque Rotschild. Mais nous ne devrions pas remettre en cause son indépendance; à 35 000 euros par mandat en moyenne pour les sociétés du CAC 40 , non, ne le faisons-pas.


Pour conclure, le risque d'un tel inventaire peut susciter une quatrième réaction bien souvent entendue, "Tous Pourris". Il peut également susciter l'affirmation d'une sorte de théorie du complot où experts, politiques, grand patronat et médias feraient le jeu dogmatique du  néolibéralisme, au profit de leur classe dominante.
Bien loin d'affirmer de telle chose, l'idée de ce billet est plutôt de montrer que d'autres possibilités d'information sont à la portée de tout citoyen, que l'information citoyenne est un pré-requis nécessaire à une rupture réelle. Car, dans cette campagne, le plus triste n'est bien souvent pas dans les articles que nous pouvons lire, mais dans les réactions de certains lecteurs où des idées, obsolètes face aux attaques en règle néolibérales, apparaissent toujours; le consommateur briseur de grève, le salarié stigmatisant l'assisté, le travailleur du privé en colère face au fonctionnaire, les parents d'élèves en opposition à des enseignants délégitimés, ou encore les réactions racistes face au travailleur immigré...

L'information citoyenne, donc pour ne pas se tromper d'ennemi.