dimanche 17 octobre 2010

La Crise Pour Les Nuls

Pauvre Jérôme Kerviel! Lui qui avait tout, pouvait côtoyer les mêmes filles que Franck Ribéry et qui se retrouve désormais à cantiner pour rembourser des milliards...

Le jugement de cette affaire de fraude, car la fraude est avérée, semble grotesque: demander 5 milliards d'euros à un salarié n'a ni queue ni tête, mais comment Kerviel a pu faire perdre 6 milliards en 2008 et faire gagner 1,7 milliards en 2007 à son employeur ? Comment l'activité d'un homme peut générer des pertes ou des gains pareils ?

Affaire Kerviel : La société Générale aurait déjà récupéré 1.6 milliards d'euros, Le Monde.fr, Octobre 2010.

Comparons d'abord avec l'activité d'autres hommes sur cette terre. Tout militant altermondialiste sait qu'aujourd'hui 2,7 milliards d'humains génèrent par leur activité moins de 2 dollars par jour. 2 dollars contre 10 millions par jour... Tout militant syndical sait que les cabinets ministériels et les administrations de l'Etat s'échinent pour gratter quelques centaines de millions : le non-remplacement de 30 000 fonctionnaires par an rapporte 500 millions d'euros. Pas aussi efficace que Jérôme les sbires de Christine et d'Eric ?

Pour tenter de comprendre les sommes brassées par M. Kerviel, il nous faut nous pencher sur le fonctionnement de l'activité financière mondiale. Activité complexe, hyper-technique, "la crise" a permis de mettre en lumière ce fonctionnement et ses dysfonctionnements.

La crise, terme utilisé continuellement depuis 2 ans, s'est déclinée à toutes les sauces: crise des subprimes, devenant financière puis crise économique, entraînant un chômage massif et une dégradation des finances des Etats. Un engrenage inarrêtable pour certains ne trouvant pas, ne voulant pas trouver de responsables; une crise des banquiers, des traders "qui doivent payer" pour d'autres cherchant à stigmatiser les professionnels du domaine uniquement ... Nous allons ici nous intéresser au fonctionnement de l'activité financière mondiale pour illustrer un autre point de vue: Jérôme Kerviel n'aurait pas pu générer des milliards de pertes ou de gains sans l'assentiment et l'action volontaire des gouvernements des pays occidentaux, des institutions financières internationales et des banques centrales qui ont mis en place les règles de l'activité financière actuelle.

Ce papier tente d'éclairer d'un point de vue de non spécialiste les mots-clés, les concepts, les modes de fonctionnement des institutions financières avant de donner un peu plus d’épaisseur aux chiffres. Bref un rappel sous forme de glossaire, ouvert aux ajouts, contestations et discussions pour mieux nous plonger le mois prochain sur les travaux d’analyse de la crise.

1. La base de la base :

Subprimes : Sont nommés ainsi les prêts aux ménages aux revenus modestes et/ou susceptibles de varier. Le risque de défaut de paiement de ces ménages étant plus grand, la marge de la banque (le taux d’intérêt) est plus important que sur les taux classiques. Pour couvrir ce risque, ces types de prêts sont souvent accompagnés d’une hypothèque.

Hypothèque : Il s’agit d’une garantie de prêt. A la signature du prêt, l’emprunteur se garde le droit de saisir le bien en cas de défaut de paiement des échéances du prêt. Si un ménage ne paie plus, sa banque saisit la maison et la vend pour rembourser son prêt. Sauf que si la maison ne vaut plus rien, la banque ne retrouve pas sa mise.

Obligations : sont appelés ainsi les "actifs" d’un investisseur possédant un prêt. En gros, le détenteur du prêt ou d’une partie du prêt détient des obligations. Il est rémunéré par les intérêts et par la valeur des obligations ; les deux sont inversement proportionnels. Si un investisseur ou une banque prête 100 000$ à 5% et que les taux d’intérêt l’année d’après montent à 6%, personne ne sera intéressé par la détention d’un prêt à 5% et les obligations de ce prêt perdront de leur valeur.

2. La déréglementation

La déréglementation des activités bancaires et financières est à la base de la crise actuelle. Quelques petites précisions historiques sont ici utiles.

Aux Etats-Unis, le Glass Steagall Act séparait les banques d’investissement attirant des clients fortunés en quête de placements rémunérateurs/risqués et les banques de dépôt, garantissant les paiements de tout un chacun et prêtant de l’argent aux entreprises et aux particuliers. En l’abrogeant en 1999, l’administration Clinton créait des banques trop grandes pour faire faillite, « too big to fail ». Indirectement elle engageait l’Etat à assurer ces banques puisque si elles s’écroulaient, l’Etat n’aurait d’autre choix que de les renflouer de manière à ce que les clients traditionnels ne perdent pas leurs bas de laine.

Mais le tournant réel s’opère dans les années 80. L’Etat n’étant pas la solution mais la cause des problèmes, Reagan et Tatcher mettent en place les structures du capitalisme actuel.

En France, les socialistes français suivront et seront les artisans de la déréglementation des mouvements de capitaux. Bérégovoy signe la loi de déréglementation des marchés financiers en 1986. La directive Lamy-Delors, respectivement directeur actuel de l'OMC et père de Martine Aubry, en 1988, met en place « la pleine mobilité des capitaux » au sein de l’Europe et entre pays européens et pays hors UE. Cette directive est reprise quasi telle quelle dans le traité de Lisbonne. C’est ainsi que les banques françaises peuvent acheter des produits financiers à des sociétés situées dans des paradis fiscaux agglomérant des subprimes américains. Pour être sûr que ces revenus de capitaux ne profiteront pas à tous, Bérégovoy en 1990 casse la fiscalité des revenus du capital et Strauss-Kahn met en place une fiscalité très légère sur les stock-options en 1998. Pas très drôle cette histoire de la déréglementation…

Rimpert, P., Nous avons eu le pouvoir; maintenant il nous faut l'argent, Le Monde Diplomatique, Avril 2009.

Mais c’est elle qui permet la mise en place progressive de mécanismes et de produits bancaires complexes et peu protecteurs des citoyens. Exemples.

Titrisation : Procédé transformant une créance financière en titres négociables. Les prêts aux particuliers sont vendus par les banques de crédit aux banques d’investissement qui les associent à d’autres prêts immobiliers, voire des prêts à la consommation ou toute autre chose pour en faire un produit financier complexe (CDO, CDO squarred, MBS…), dérivé de crédit vendu sur les marchés à des investisseurs du monde entier. Ces produits sont conçus pour diluer le risque ; les banques associaient des crédits subprimes (intérêts forts, risques forts) à des crédits plus sûrs (intérêts faibles, risques faibles) de manière à ce qu’ils restent bien évalués par les agences de notations et attirent les investisseurs. Le problème ici reste celui de l’assymétrie de l’information. Tous les investisseurs n'ont pas la même connaissance du contenu de ces montages financiers. Le procès contre Goldman Sachs sur son produit Abacus en est un parfait exemple.

Samuelson, R., La faillite morale de Goldman Sachs, Courrier International, Mai 2010.

Dérivés: Produits purement spéculatifs basés non pas sur la détention d'un actif mais sur la variation du cours de l'actif ou d'un indice, d'une monnaie... Autrement dit, prenons l'exemple d'une contrat à terme ferme: l'investisseur n'achète pas une action d'une entreprise mais s'engage à acheter une action de l'entreprise dans un mois à un prix déterminé maintenant. Si le prix de l'action est de 30 euros, le contrat à terme ferme est négocié et stipule que l'action sera achetée 35 euros dans 1 mois. Si le cours est monté à 40 euros pendant le mois, la plus-value est de 5 euros par action sans avoir dépensé un centime. Mais cet engagement à acheter peut pour lui-même faire l'objet d'une valorisation; on parle d'options ou de warrants. Reprenons notre exemple: le droit d'acheter une action 35 euros dans un mois peut valoir 3 euros mais si en approchant de la date limite, l'action vaut 26-27 euros, le droit d'acheter va lui aussi voir son prix diminuer. Un investisseur peut donc gagner énormément d'argent avec une mise de départ très faible à l'aide des dérivés. Mais aussi perdre...

Les produits dérivés, Lexinter.net

Vente à découvert : Superbe stratagème pour miser sur la perte de valeur...
Vente à découvert, Verminen.net

Credit Default Swaps: Produit dérivé. Il s’agit d’une assurance contre le défaut de remboursement d’une dette ou d’un emprunt. Si A prête de l’argent à B, le CDS fait intervenir un assureur C. Le détenteur d’une dette A paie un forfait (chaque mois par exemple), à un détenteur potentiel C pour lui la céder en cas d’incapacité de B à payer. Cette assurance est, elle aussi, un produit vendable par C à n’importe qui sur les marchés de gré à gré. Sur ces marchés, rien n’oblige l’assureur CDS d’avoir en réserve des fonds pour répondre à ses engagements en cas de défaut.

Hedge funds : Au nombre de 8000 à travers le monde (Rapport AMF 2007), ce sont des fonds d’investissement installés à 67% dans les îles Caïmans qui gèrent 1500 milliards de dollars.

Effet de levier : Un agent sur un marché peut acheter plus d’actions qu’il ne possède de liquidités pour l’achat. Pour le CAC 40, le rapport est de 2,55 : si un agent engage 1000 euros pour l’achat d’actions d’une société du CAC 40, il peut acheter 2550 euros d’actions. Ses gains ou pertes à la revente se calculeront sur la base des 2550 euros. D’autres engagements avec de l’argent non détenu existent. Pour ce qui est des prêts, schématiquement, une banque ne prête pas l’argent qu’elle détient dans son capital, ce serait bien trop insuffisant; elle prête l’argent correspondant à ses réserves obligataires. Pour une explication sur le fonctionnement bancaire, ces articles sont remarquables; au bout de 8 lectures successives, tout s'éclaire.

Ce que signifie, concrètement, "la BCE a injecté des liquidités", Rue 89, Août 2007

Blog de Paul Jorion, février 2008 (ici se rendre directement au commentaire 9; l'auteur se trompe magistralement au départ).

Pour éviter l’écroulement du système au moindre problème, les banques centrales des pays développés ont mis en place des règles appelées accords de Bâle 1, 2 et maintenant 3 qui obligent les banques à détenir en fonds propres 8% des prêts qu’elles engagent. Mais ces règles ne s’appliquent pas aux sociétés des paradis fiscaux (qui sont parfois des filiales des banques occidentales) ou à certains marchés financiers : le ratio peut atteindre 1 pour 40 soit 2%. Le LBO ou leverage buy-out est lui aussi possible et son fonctionnement simple est bien connu des hedge funds : acquérir des actions d’une entreprise par l’endettement pour en devenir actionnaire majoritaire et la sortir de la bourse. Explications de l'effet de levier à faire peur par Frédéric Lordon.

La leviérisation par F. Lordon, Lexinter.net

3. Dette Publique

Nationalisation de la dette : Le pays développé le plus endetté du Monde devrait avoir fait faillite depuis longtemps s'il employait les mêmes méthodes de gestion de sa dette que nombre de pays occidentaux. En effet, la dette publique du Japon s’élève à plus de 200% du PIB mais la charge de la dette (intérêts payés) reste limitée. Pourquoi ? La dette nippone est "nationalisée" c’est-à-dire que la grande majorité des obligations est détenue par des citoyens japonais. Cette dette publique d’un pays sur la base de l’épargne privée de ses citoyens a plusieurs avantages : pas d’exposition du service de la dette aux variations des taux d'intérêts sur les marchés ou aux variations des taux de change de la monnaie et la possibilité politique d’arbitrer à l’échelle du pays la rémunération des emprunteurs et le poids du service de la dette (capital remboursé + intérêts). La France aussi est un pays d’épargnants mais le gouvernement n’a jamais fait le choix de forcer les banques à vendre des obligations françaises à ses citoyens; le fameux grand emprunt à ce titre est une occasion ratée puisque après avoir promis de l’ouvrir aux particuliers, le gouvernement s’est retourné vers les marchés financiers. La charge de la dette en 2009 s'élevait à 44.3 milliards. Toujours pour remettre en perspective: réduire la facture d'1% nous permettrait de garder nos 30 000 fonctionnaires.

Lordon, F., Et si on commençait la démondialisation financière ?, Le Monde Diplomatique, mai 2010

4. Dette Privée

Prêt à amortissement négatif : Un prêt standard est défini par une somme prêtée, un taux d’intérêt et une capacité de remboursement. A partir de là, l’amortissement du prêt se fait sur un certain nombre d’années. La flambée des prix immobiliers des dernières années a vu l’apparition de nouveaux prêts bancaires, dans certains pays, peu réglementés, basés sur la flambée des prix. Le prêt à amortissement négatif à ce titre est complètement incroyable. Son fonctionnement est le suivant : si une maison est achetée aujourd’hui 200 000$ et que les prix augmentent de 10% par an, elle est potentiellement vendable 220 000$ dans deux ans. Rien ne sert donc de rembourser le capital puisque la maison vaudra plus mais rien ne sert non plus de rembourser l’intégralité des intérêts puisque la marge réalisée sur la revente couvrira ces intérêts. Ainsi avec ce type de prêt, vous empruntez 200 000$ et un an après, votre capital restant dû est de 210 000$. Excellent pour habiter dans la maison de vos rêves, jusqu’au jour où les prix ne grimpent pas aussi vite, stagnent puis chutent et banqueroute ! Existe aussi le prêt ballon (taux de départ intéressant mais renégociation obligatoire au bout de n années), le prêt sans remboursement de capital, le prêt menteur, structures explosives si combinées aux variations de taux et tolérées différemment selon les Etats.

5. Les Chiffres

La formule Magic Obama175

9*(-100) = +33

9 sociétés de crédits ayant totalisé 100 milliards de pertes ont reçu 175 milliards de renflouement lors des plans successifs de relance de l’économie. Cette aide a été utilisée pour partie à verser des primes d’un montant total de 33 milliards ; 5000 cadres ayant reçu plus d’un million.

12 000 milliards

En mars 2009, 2,5 millions de maisons étaient en cours de saisie aux Etats-Unis et 12% des ménages américains détenant un prêt hypothécaire avaient plus d’un mois de retard ou se trouvaient en situation de saisie. Au Danemark, l’hypothèque est obligatoire et le prêt ne dépasse pas 80% du prix du bien ; c'est le banquier qui prend le risque et donc examine le dossier dans les détails. Les Etats-Unis n’avaient pas adopté une telle réglementation de l’hypothèque. Détail pour le moins ennuyeux quand on sait que les biens sous hypothèques dans ce pays sont évaluées à 12 000 milliards de dollars… 10% de saisies, c’est 1200 milliards engagés et une baisse de seulement 10% des prix et la perte se chiffre à 120 milliards. Pour information, les prix en Californie ont baissé de 43% en 2008 par rapport à leur pic historique quelques années plus tôt.

103%

Fin 2008, l’Etat français vole au secours des banques : certains produits subprimes achetés par de nombreuses banques françaises ne valent plus rien et leur dévaluation est telle qu’on a stoppé de les côter pour ne pas s’approcher dangereusement du zéro. En conséquence, si les produits détenus ne valent plus rien, les actionnaires de la banque cherchent à vendre leurs actions. Pour enrayer le désastre, l’Etat achète ces produits qui ne sont plus côtés, ce que personne ne veut et qui ne vaut rien, et achète des actions des banques françaises en difficulté. Là-dessus, il n’a pas le choix mais le gouvernement dans sa rescousse aux banques ne mène pas les négociations. Non, les directions des grandes banques réussissent à faire signer au gouvernement une interdiction de cession de leurs titres à plus de 103% du prix d’achat. En gros, l’Etat signe son interdiction de faire un bénéfice de plus de 3% alors que c’est lui qui prend les risques que personne ne veut prendre. Quand les banques rachètent à 103% leurs parts et revendent à 150%, elles empochent la plus-value à la place de celui qui a avancé l’argent. Cette clause de bas de page des 103% a coûté 5 milliards d’euros aux contribuables français selon la Cour des Comptes.

4 milliards

Tepper, David, fondateur du hedge fund Appaloosa Management, a été le patron le plus payé en 2009. Il a gagné 4 milliards de dollars en pariant sur la remontée des cours des actions bancaires, remontée permise grâce à l’apport massif de fonds publics dans le monde entier. Il s’agit bien de son revenu personnel. Il n’a pas signé de règle des 103% et a gagné tout seul presque autant que ce que la France a perdu.

681 000 milliards de dollars

Les produits dérivés échangés dans le monde entier sont basés sur des actifs sous-jacents (le produit de base) de ce montant. Cet argent n’existe pas : le total des PIB mondiaux est plus de 10 fois plus faible. Les dérivés ont été créés pour diminuer le risque mais leur multiplication et leur surutilisation à des fins de spéculation en ont fait des produits susceptibles de mettre en péril le système financier mondial.

A vos commentaires et au mois prochain pour comparer l'avis de spécialistes de "la crise

samedi 8 mai 2010

Crise du Logement et Marché de l'Immobilier

Il y a quelques semaines déjà la Fondation Abbé Pierre faisait paraître son rapport annuel sur le mal-logement.
Le Rapport du mal-logement 2010, Fondation Abbé Pierre, Février 2010

Ce rapport a mis en exergue une situation catastrophique illustrée par un bilan chiffré alarmant. Il a été le sujet de quelques reportages consensuels, faits d'archives multi-diffusées de l’hiver 54 et d'images de jeunes lycéens travaillant dans des lieux improbables pour échapper à la promiscuité.

La qualité du rapport aurait pourtant du permettre d’éclairer une problématique bien plus intéressante entre la crise du logement et le marché de l’immobilier ; si le logement constitue un bien de première nécessité, il est devenu un objet d’activités spéculatives privilégié depuis 20 ans. L’intensification de ces activités, de marché, a-t-elle eu des effets bénéfiques sur l’accès à ce bien ? Le contenu antérieur du blog vous amène à penser que le point de vue développé, ici encore, ne devrait pas constituer une apologie de la spéculation immobilière. Certes mais la question est vraiment complexe et si la collectivité aurait pu et devrait tirer profit des investissements privés, l’Etat, par les mesures qu’il prend, se tire littéralement une balle dans le pied. A tel point que l’on peut se demander si la recherche de solution face au mal-logement est le but poursuivi.


Mais d’abord quel état des lieux ?
Le bilan chiffré fait part de 100 000 SDF, 510 000 personnes sans domicile personnel... En tout, 3 millions et demi de personnes vivent dans une situation de mal-logement forte, plus 6 millions et demi de personnes vivant en situation de réelle fragilité : insalubrité, surpeuplement accentué, insolvabilité face aux loyers ou emprunts... Au total, 10 millions de personnes soit 17 % de la population française (p.215).

A ces exclus ou quasi-exclus du logement s’ajoute une augmentation inquiétante du poste logement dans les budgets des ménages modestes : les dépenses contraintes liées au logement sont en effet passées de 24 à 48% de leurs revenus entre 1979 et aujourd’hui. La situation s’étant considérablement dégradée ces dernières années ; la somme annuelle moyenne consacrée au logement par ménage est passé en 5 ans (2002-2007) de 7890 euros à 9700 euros soit une augmentation de 23% avec un record pour le locatif privé : +32% (p.34).

Ce surcoût du budget logement entraîne une rétrogradation dans la hiérarchie des statuts résidentiels. En effet, si la proportion de propriétaires a globalement augmenté de 3% en 20 ans, le dernier quart le plus modeste des ménages a vu sa proportion de propriétaires fondre de 47 à 39%. Et ce n’est pas seulement l’accession à la propriété qui pose problème mais l’ensemble des flux résidentiels (p.40) :
- le nombre de retours du parc locatif privé vers le parc locatif social est plus important que le flux inverse, public vers privé.
- Plus nombreux sont les ménages à revenir à la location aujourd’hui qu’à accéder à la propriété.
- Le turn-over dans le parc HLM est tombé à 7,5% contre 11% dans les années 80.
Autrement dit, les chances des familles modestes de voir leurs conditions de logement s’améliorer au cours de leur vie sont aujourd’hui faibles, et elles ont plus de chance de connaître la stagnation ou le déclassement.


Devant cette situation, que fait l’Etat ?
A première vue, pas grand-chose. Ses retours et prélèvements sur le secteur du logement sont plus importants que ses dépenses et cet « excédent logement » est bizarrement en forte augmentation sur les dernières années. Le logement, loin d’être un secteur de dettes, n’est pas une priorité de l’action de l’Etat (p.140).

Les familles modestes perçoivent un sentiment légitime d’abandon par leurs gouvernants. Et pour de multiples raisons.

Premièrement, les loyers plafonds sur lesquels sont calculés les aides au logement sont dépassés dans la très grande majorité des cas, même dans le secteur public. L’aide au logement est donc devenue de plus en plus faible avec l’augmentation des loyers et la non révision des barèmes.

Deuxièmement, les critères d’attribution des aides au logement se durcissent : une personne seule aujourd’hui est exclue des aides si ses revenus dépassent 1,07 SMIC contre 1,15 il y a 8 ans (p.135).

Troisièmement, l’Etat refuse de durcir la législation pour les communes refusant délibérément et année après année, de construire 20% de logements sociaux dans le cadre de la loi SRU. Sur ce problème judiciaire, pas de durcissement pour la récidive.

Enfin, l’Etat se refuse à encadrer davantage les loyers à la relocation. Si un locataire reste dans son logement, le montant de son loyer suit un indice, l’IRL ; le calcul de l’indice a été revu à la baisse il y a quelques années et a profité au locataire. Par contre, lors d’un changement de locataires, rien n’encadre la relocation : le loyer d'un logement, hypothétique, ayant changé d’occupant chaque année lors des 12 dernières années, a augmenté de 8% par an (p.19).


La propension de l’Etat à venir en aide aux plus modestes est donc faible concernant ce bien de première nécessité. Les chiffres du mal-logement et les absences d’actions de sa part en attestent. Les gouvernements successifs ont choisi une autre voie d’action : favoriser l’offre par différentes lois de défiscalisation (Besson, Robien, Scellier) ou mécanismes de prêts (prêt à taux zéro, PLS, PLUS…). Ce procédé en soi n’a rien d’aberrant : un état, endetté, incite des investisseurs à s’engager dans la construction ou la rénovation, ce qui aboutit à augmenter le nombre de logements, et leur fait courir le risque (effondrement du marché, hausse des taux d’intérêts…). Mais les modalités de ces plans mis en place par les gouvernements ont été irrationnelles et finissent par mettre en concurrence des ménages aux richesses bien inégales.

Un exemple. Lors de la crise, l’Etat n’a pas voulu courir le risque que le secteur, majeur, du bâtiment soit en difficulté et a soutenu la construction par la loi Scellier. Contre un plafonnement des loyers, l’Etat offrait de très importantes réductions fiscales. Mais quel plafonnement ? Les loyers, dans la version sociale, sont 50 à 100% plus chers que les loyers-plafonds des HLM (p.178) ; en conséquence, seuls 20 à 25% des ménages ont accès à ces logements et le coût total de l’opération sera de 700 millions d’euros d’exonérations fiscales en 2010, soit plus que les subventions au logement social (p.149, 147, 175, 178).

Les investissements dans le locatif ont donc été les grands gagnants de cette mesure : elle a maintenu les prix à un niveau très haut garantissant les plus-values déjà réalisés par ces investisseurs et a permis à ceux-ci (15% de la population française) de réaliser de nouvelles acquisitions à moindre coût. Les mesures parallèles pour les ménages modestes ou les institutions publiques n’ont pas eu autant d’effet pour faciliter leurs acquisitions et cette différence de traitement a abouti à une mise en concurrence complètement faussée des ménages.


Pour conclure, la crise du logement dans notre pays est devenue particulièrement aigue ces dernières années et les politiques mises en place par l’Etat sont largement insuffisantes pour venir en aide aux plus en difficulté et aux familles modestes. Outre l'Etat, le rapport fait également mention de la gestion apolitique de la question par les collectivités territoriales; les mesures prises par certaines villes de gauche étant parfois aggravantes à l’inverse de quelques villes de droite où des améliorations sont en cours (p.171).

Comme l’indique le rapport, il semble que « entre la crise immobilière et la crise du logement, les responsables politiques ont privilégié la résolution de la première au risque d’oublier la seconde, voire de l’aggraver ».


Au regard des éléments déjà cités, le marché de l’immobilier apparaît comme extrêmement déséquilibré et les rémunérations qui en découlent ne justifient pas d’un service rendu à la collectivité. Dommage pour un bien de première nécessité aux répercussions importantes sur d’autres aspects sociaux et environnementaux : ghettoïsation, étalement des villes, problèmes sanitaires face à l’insalubrité…

samedi 13 mars 2010

Le Honduras ou Benjamin Biolay ?

Les campagnes électorales sont des périodes privilégiées pour nos médias. Pas tant pour le débat politique sur les bilans, les programmes, les budgets mais tout simplement parce que les responsables politiques multiplient lors de ces périodes les interventions et par la même occasion, ils multiplient les âneries, les mensonges gros comme eux ou les aberrations… De quoi alimenter des colonnes de journaux, des heures de JT, des pages de forums.

Rapide inventaire de rappel : la diffamation à l’encontre de Soumaré, les propos de Longuet sur la direction de la Halde, les superbes pensées sarkozystes sur l’urbanisation du littoral ou le splendide « l’environnement, ça suffit », le foutage de gueule de Chatel sur les remplacements d’enseignants. Ou la palme de l'ânerie remportée par un journaliste loin devant les politiques, il fallait le faire : Zemmour et ses dealers.

Rien de très intéressant sauf si vous cherchez, encore aujourd’hui, des preuves de l’opportunisme politique de notre président.
Sarkozy et les zones inondables, retour sur une mini-tempête médiatique, Saint-Remy, P., Libération.fr, Mars 2010

De ces propos de caniveaux ou de ses argumentations où nous sommes délibérément pris pour des innocents, à la limite, mieux vaut en rire et certains le font très bien.
La Chronique de Régis Mailhot, Le fou du roi, France Inter, Mars 2010


Mais avez-vous entendu parler de ce beau pays du Honduras ces dernières semaines et même ces derniers mois ? On ne parle pas de Tegucigalpa où se joue une lutte acharnée pour le développement et la souveraineté . Pourtant vous allez voir, c’est tellement plus intéressant que les polémiques chéries de nos médias.

Le 28 juin 2009, un coup d’état renverse le président Zelaya et le contraint à l’exil. La communauté internationale ne reconnaît pas le pouvoir militaire de Micheletti résultant du coup d’état et Obama en personne condamne le putsch. Mais devant l’impossibilité de remettre en selle Zelaya, la sortie de crise mise sur pied est de procéder à de nouvelles élections. A priori, une solution à moindre frais ? Oui, enfin, c’est un peu plus compliqué que ça.

Quelques éléments de contexte vont nous permettre de mieux appréhender le sujet. Le Honduras est le pays le plus pauvre d’Amérique Centrale. 77% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. La dette du pays s’élevait à 4.8 milliards de dollars en 2003 alors que le FMI avait mis en place de superbes plans d’ajustement structurel dans les années 90 atteignant des sommets de justice sociale en 1999 : une baisse de l’impôt sur les sociétés accompagnée d’une hausse de la TVA de 7 à 12% votée par le gouvernement. Il est toujours préférable de taxer les gens qui meurent de faim, c’est évident.
Résumé de l’actualité du Honduras en 1999, abc-latina.com, 2002

Les revenus sont tirés en partie de l’agriculture, café (22% des revenus d’exportation), banane, maïs et la question centrale en milieu rural est la propriété de la terre. La guerre froide a semé le trouble sur cette question en engendrant une distribution des terres hyper-inégalitaire…

Explications : en 1985, l’administration Reagan cherche à contrer les révolutions bolivariennes ou communistes d’Amérique Centrale, notamment les sandinistes au Nicaragua. Par l’intermédiaire de la CIA, une vente d’armes à l’Iran via Israël (sic) va être mise en place pour récupérer des fonds destinés à financer les forces contre-révolutionnaires: les Contras, basées en partie au Honduras. Le plan une fois mis à jour sera nommé l’Irangate et reste pour partie un mystère…
Affaire Iran-Contra, Wikipedia

Les familles influentes ayant tout à perdre d’une contagion marxiste dans la région vont recevoir cet argent, servir les intérêts des Etats-Unis et vont trouver un secteur extrêmement rentable pour prolonger les financements de leurs opérations, le trafic de drogues, sous le regard approbateur de la CIA. Des fortunes colossales vont se bâtir et permettre d’acheter ou d’exproprier par la force les petits propriétaires, les « sans-terres », aboutissant à une paupérisation de la population rurale hondurienne.

La très particulière mais grandement utile émission « Là-bas si j’y suis », a consacré aux communautés des sans-terre une superbe série de reportage.
Honduras, coup d’état : une résistance héroïque, Là-bas si j’y suis, France-Inter, Mars 2010
Si vous ne connaissez pas du tout l’émission, tendez l’oreille à ce podcast, vous serez surpris.

Ainsi va la vie économique et politique hondurienne depuis des années : une douzaine de familles de propriétaires terriens comptant sur ses propres milices, ses grands médias et ses entrées dans le monde politique, des firmes multinationales recherchant la moins-disance sociale, un Etat inexistant ou corrompu (126ème sur 180 à l’IPC 2008), une partie importante de la population extrêmement pauvre luttant dans l’indifférence générale pour la réappropriation des terres agricoles…


Et voilà Manuel Zelaya, élu en 2005, président libéral adoubé par les grandes familles, les bailleurs internationaux… qui petit à petit remet en cause le modèle : augmentation du SMIC de 60%, fin du monopole de l’exploitation du pétrole par les firmes étrangères installées, programmes de santé et d’éducation mis en place par un rapprochement avec l’Alternative Bolivarienne des Amériques, ensemble d’états (républiques/dictatures) d’Amérique Centrale s’affranchissant de la tutelle états-unienne par des accords de coopération régionale.

En 2009, la Constitution ne lui permettant pas de briguer un deuxième mandat, Zelaya tente de la modifier. Cette action sert de prétexte à un coup d’état visant à renverser le président et la machine politique et diplomatique s’emballe : prise de pouvoir des militaires, mascarades d’élections, réactions de la communauté internationale en demi-teinte, et une mise en grande difficulté de la diplomatie américaine.

Pour aller plus loin,
Mascarade électorale au Honduras, Lemoine, M., La valise diplomatique, Novembre 2009

Nous nous arrêterons là mais toujours est-il que les gouvernements Occidentaux ne mettent pas la même vigueur diplomatique, ou militaire, dans tous les pays du monde pour permettre à la démocratie de triompher !


En conclusion, la situation hondurienne très compliquée mérite un intérêt important de la communauté internationale et un traitement en profondeur de la presse des pays démocratiques. Bien loin du compte, un grand média français de gauche a présenté un article sur le sujet complètement ahurissant de désinformation.
Manuel Zelaya le putsch au crime, Thomas, G., Liberation.fr, Juin 2009

Il aurait sans doute mieux fallu en rester à un éditorial sur la carrière non musicale de Benjamin Biolay ?

samedi 6 février 2010

La diplomatie de la Dette

L’assistance et les plans d’actions mis en place en Haïti après le séisme ont relayé l’image d’une diplomatie de la solidarité : les pays développés sont présents pour venir en aide aux victimes de tragédies des pays en voie de développement (PED). Si cette aide est d’une nécessité absolue, nous présenter en généreux donateurs doit donner des envies d’étranglement à tout haïtien informé.

Eric Toussaint et Sophie Perchellet recadrent les limites de nos élans de générosité et nous rappellent que nos liens avec Haïti sont bien plus marqués par une diplomatie de la dette.

De nombreux sites ont repris l’article de ses deux spécialistes, responsables du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde (CADTM), dont Voltairenet.org :
Haiti: au-delà des effets d'annonce, Toussaint, E., Perchellet, S.

Leur papier met en avant les instruments principaux de cette diplomatie. Petit glossaire personnel et subjectif de 3 de ces instruments :

o La dette odieuse : la définition est dans l’article ou autrement dit ; les enfants et petits-enfants des victimes d’un régime répressif, continuent de rembourser un prêt consenti à ce régime par un pays tiers. Celui-ci exige le remboursement sans reconnaître l’injustice profonde que représente cette dette ou son rôle dans le financement du régime répressif.

o L’allègement de la dette contre un plan d’ajustement structurel : une partie de la dette est annulée en échange de la mise en place de politiques économiques favorables aux pays créanciers mais ces politiques vident le pays des moyens de créer des richesses (concession de territoires regorgeant de ressources, baisse des taxes à l’importation des produits du créancier, fiscalité réduite)… et donc de rembourser la dette.

o La protection des dictateurs renversés : les politiques signataires de dettes, une fois déchus, trouvent refuge dans les pays créanciers, avec leurs fortunes. Leur extradition est freinée pour limiter le risque de mise au grand jour d’anciennes pratiques…

Haïti n’est qu’une victime parmi d’autres de la diplomatie de la dette. Les exemples sont nombreux et les récits de peuples victimes également. Par contre, John Perkins, économiste américain, développe le point de vue opposé du vendeur de dettes aujourd’hui repenti. Son livre relate les mécanismes de cette diplomatie et les contextes nombreux de son utilisation durant la guerre froide par les Etats-Unis.

Les Confessions d’un Assassin Financier, Perkins, J., 2005

La quête de sécurité et de prospérité pousse les Etats-Unis et l’URSS à chercher des alliés à travers le monde. Pour les premiers cités, les solutions militaires directes dans les pays se tournant vers le communisme sont un fiasco militaire et/ou médiatique. Dès lors, l’oncle Sam tente de convaincre les pays, pauvres ou non alignés, du développement rapide qu’ils connaîtront en s’engageant sur la voie de l’économie de marché et pour cela, leur accorde des prêts « généreux » pour réaliser des projets importants.

La dette ainsi créée est un mécanisme d’assujettissement des PED très efficace pour 3 catégories d’acteurs que Perkins associe dans ce qu’il appelle la corporatocratie : le gouvernement américain qui recherche sécurité militaire et énergétique, les grands bailleurs mondiaux (Banque Mondiale, FMI…) financés principalement par les Etats-Unis et les multinationales US de l’ingénierie, de l’exploitation pétrolière… à la recherche de marchés d’envergure.

Dans les années 70, Perkins est formé par la NSA, agence de renseignements américaine, à un rôle somme toute assez simple d’assassin financier. Salarié d’une grande firme d’ingénierie US, MAIN, il est responsable des évaluations d’impact de la construction d’infrastructures (centrales électriques principalement) sur la croissance d’un pays en développement. Il gonfle artificiellement ses prévisions de manière à convaincre les gouvernements des PED de se lancer dans ces projets. Subissant d’autres moyens de persuasion (pression, corruption), les gouvernements des PED contractent un prêt colossal devenant vite non remboursable. Rapidement, les richesses des PED sont littéralement pompées pour parvenir à recouvrir la dette, et leurs dirigeants assujettis aux désirs de leur créancier (implantations de bases militaires, vote amical à l’ONU, …). La corporatocratie met en place et profite de cet endettement : le système tient par un va-et-vient permanent de ses élites entre multinationales et postes à haute responsabilité politique.

Un exemple en quelques lignes : Torrijos et Roldos sont présidents du Panama et de l’Equateur dans les années 70. L’un refuse la main mise des américains sur le canal et s’adresse au Japon pour la construction d’un deuxième canal, l’autre souhaite mettre à la porte les compagnies pétrolières pour nationaliser les ressources. Les prévisions de croissance de Perkins et consorts ne les convainquent pas de s’endetter auprès des Etats-Unis, la corruption non plus… Torillos et Roldos meurent dans des accidents d’avion la même année en 1981 et sont remplacés par des pro-américains. Perkins met en cause directement la CIA.

La guerre froide est aujourd’hui finie mais l’efficacité des procédés et la cupidité de ses responsables font perdurer le système selon l’auteur. Ce qui tenait volontiers de la théorie du complot alors (rôle trouble de la NSA, élites trompant les peuples) a obtenu une légitimité et une transparence par la science statistique (Perkins a réussi à diffuser et à publier dans des revues scientifiques son modèle tronqué de prévision de croissance) et économique.

Le point de vue de Perkins trouve un écho extrêmement fort dans le vade-mecum 2009 du CADTM. Ce document reprend l’ensemble des chiffres sur les dettes des PED publiés par l’ONU, la Banque Mondiale…, leurs montants, leurs évolutions exponentielles, leurs créanciers, leurs régimes signataires, le détournement des prêts, les ajustements structurels. Edifiant document à parcourir bien assis.

Les Chiffres de la Dette 2009, Millet, D., Toussaint, E., CADTM

En conclusion, après des années d’exploitation, les mécanismes réels de la diplomatie de la dette sont désormais bien connus par les différentes ONG et leurs responsables ne sont plus dupes des « aides » aux PED. A ce titre, nombre d’entre elles ont signé une déclaration à l’attention des participants à la conférence des pays donateurs pour Haïti à Montréal. Cinglante mise en garde…

Le site PAPDA reprend la déclaration et énumère les ONG signataires.
La déclaration de Montréal sur la situation en Haïti

En espérant vous avoir intéressé…

A bientôt

samedi 23 janvier 2010

Le début de la Faim

Chose promise, chose due. Fruit des promesses d’un nouvel an arrosé, ce blog répond à un souhait de diffuser certains articles intéressants ou de faire part de lectures valant le coup d’œil… sans spamer les boîtes mails à longueurs de liens.

Tout ceci part d’un jugement personnel simple : les médias classiques ne nous informent pas sur les problèmes fondamentaux du monde, d’autres revues, sites, journaux le font et méritent un écho plus large.


Il est apparu évident que ce premier billet devait s’ouvrir sur LE problème fondamental : la faim dans le monde. En novembre 2009, la FAO, organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, ouvrait son sommet mondial par l’annonce de ce chiffre terrifiant ; 1 milliard de personnes souffrent de la faim et 2 milliards supplémentaires sont malnutris. "Toujours pareil" ? Non, c'est plutôt pire et les pays développés tiennent ici une importante responsabilité.

Le Monde Diplomatique, à l'occasion du sommet, réalisait un dossier spécial sur le sujet avec notamment 3 articles reprenant la base de la base de ce marché de la Faim et ses aberrations ; son asymétrie complète, le marché de dupes des accords de l'OMC, la concurrence des agro-carburants, le rôle du FMI ou de la banque mondiale, le paradoxe des subventions aux agriculteurs des pays développés, la paupérisation des paysans du monde...


L'étendue des dégâts d'abord...

La malnutrition aux banquets des puissants, Brisset, C., Le Monde Diplomatique, Novembre 2009


Un premier article sur l'asymétrie du marché et la paupérisation des paysans des PED

Et soudain resurgit la faim, Parmentier, S., Le Monde Diplomatique, Novembre 2009


Un deuxième très technique sur les accords de l'OMC et les alternatives possibles

Pour un modèle agricole dans les pays du Sud, Berthelot, P., Le Monde Diplomatique, Novembre 2009


Avant de passer à autre chose, petit rappel: l'OMC et le FMI sont aujourd'hui dirigés par deux français... socialistes, Pascal Lamy et DSK.


Pourtant, l’Etat français investit dans le monde de l’agro-alimentaire, autrement qu’en subventionnant nos agriculteurs ou en soutenant le Programme Alimentaire Mondial.

Vous n’êtes pas sans savoir qu’une partie de nos deniers de contribuables est gérée par la Caisse des Dépôts et Consignations, organisme public investissant sur les marchés et acquérant au nom de l’Etat des participations dans certaines entreprises. La CDC, donc, a choisi d’acquérir une entreprise florissante : Quick. Passons sur le fait que les pratiques de cette entreprise (travail précaire, malbouffe...) ne répondent pas forcément aux valeurs de la République, passons… mais sachons quand même que la CDC a acheté Quick à un homme d’affaires belge pour un prix supérieur de 150 millions d’euros au prix estimé. Bel investissement ! Des magistrats belges ont une petite idée de la raison de cet achat surcoté mais les procédures lancées dans les parquets belges ne trouvent pas d’écho en France pour le moment.


Un procureur belge s'intéresse à Frère, l'ami patron de Sarkozy, Scalbert, A., Eco 89, Décembre 2009.


Titre un peu racoleur sur Eco89. Espérons que la CDC, représentant l’Etat Français, améliorera au moins les conditions de travail de ses nouveaux employés…

Voilà pour ce premier billet sur la faim dans le monde et le marché de l'agro-alimentaire. Nous y reviendrons sans doute en nous intéressant au rachat de terres dans les PED par les géants agro-alimentaires ou les fonds souverains.

En espérant vous avoir intéressé...

A bientôt